C'est l'heure des bilans et parmi les petites révolutions qui ont marqué la décennie, il y en a une qui a transformé le contenu de notre assiette. Ouvrez la porte de votre frigo, vous constaterez que beaucoup de choses ont changé depuis 10 ans. Qu'y trouverez-vous? Des oeufs oméga-3, des pots de Bio K, du yogourt probiotique, un carton de lait avec calcium ajouté... Le contenu de notre réfrigérateur se rapproche tranquillement de celui du cabinet de pharmacie. Ce n'est pas un hasard si un des plus grands phénomènes de la décennie au Québec se nomme Richard Béliveau. En cette ère où le maudit cancer décime nos familles et les familles de nos amis, le Dr Béliveau est devenu une référence, voire un gourou. Ses conseils sont écoutés comme s'il s'agissait des 10 commandements: graines de lin, chocolat noir, thé vert, antioxydants, oméga-3. C'est lui qui les a introduits dans nos vies. Avec le Français David Servan-Schreiber, il est sans doute le scientifique qui a eu le plus d'impact dans notre quotidien.

 

Après eux viennent les chefs-vedettes et les nutritionnistes. Les Di Stasio, Ricardo, Marcotte et compagnie publient des livres, animent des émissions de télévision. Ils sont devenus de véritables stars, au même titre que les acteurs de cinéma. Ils dictent les tendances et, en fin de compte, influencent la manière dont nous nourrissons notre famille.

Allons un peu plus loin maintenant. On peut dire sans se tromper qu'au cours des dernières années, l'alimentation a dépassé le simple concept de plaisir et de bien-être. Notre assiette est en voie de devenir un nouveau territoire de lutte politique et sociale. Les consommateurs sont aussi des citoyens, et ils posent de plus en plus de questions sur ce qu'ils mangent. Les OMG, la crise de la listériose, les gras trans nous ont rendus plus critiques, plus curieux aussi. Nous lisons les étiquettes, nous voulons connaître la provenance d'un légume, d'un morceau de viande. Des documentaires comme Super Size Me et Food Inc ont marqué l'opinion publique. De plus en plus d'individus se mobilisent en faveur d'une nourriture de qualité, contre la malbouffe dans les hôpitaux, les écoles, les cafétérias. Ce combat, c'est certain, va se poursuivre au cours des prochaines années.

Il y a cependant un paradoxe. Pendant que les foodies (une expression née au début des années 80, mais qui a réellement pris son essor au cours de la dernière décennie) s'échangent leurs meilleures adresses de cuisine moléculaire et luttent en faveur de la traçabilité des aliments, d'autres rêvent à la poche de riz qui sauvera la vie de leur enfant. Tout un contraste.

Voilà donc un des défis qui nous attend au cours de la prochaine décennie. Mieux manger, oui. Mais sans oublier que notre richesse et notre technologie doivent être mises au service d'une meilleure répartition de l'agriculture et des biens comestibles, afin de mettre un terme à l'insécurité alimentaire qui sévit sur la moitié de la planète. Belle (r)évolution en vue.