C'est fait: Stephen Harper est toujours premier ministre. Mais ô combien! il s'est compliqué la tâche...

C'est probablement un record: la gaffe commise le plus tôt dans une campagne électorale. En fait, pour les conservateurs, le tournant de la campagne est survenu plusieurs semaines avant qu'ils ne déclenchent les hostilités.

Lorsque des sources bien placées au sein du bureau du premier ministre ont laissé fuir une liste de réductions modestes du financement des arts, accompagnée de railleries à l'endroit de célébrités de la musique et de la télévision canadiennes, 32 mois de gouvernance prudente avec l'espoir d'obtenir une majorité grâce à des sièges supplémentaires au Québec ont commencé à dériver à vau-l'eau.

 

Sabrer le soutien aux arts à même les fonds publics a été bien accueilli par la base albertaine, bien que cette province soit l'une des plus généreuses au Canada en ce qui concerne les subventions culturelles, mais c'était la recette idéale pour provoquer une réaction brutale au Québec. Cette décision dénuée de sens doit être considérée comme l'erreur la plus grave commise par les conservateurs dans le cadre de la campagne électorale.

On se demande aussi comment le premier ministre Stephen Harper, qui profite habituellement de plusieurs longueurs d'avance pour imaginer des stratégies gagnantes, a pu être l'auteur d'une campagne qui a tant laissé à désirer. Ses troupes n'ont jamais été prêtes pour le combat. Son parti disposait d'une machine de guerre qui aurait pu et qui aurait dû anéantir Stéphane Dion, le faible et peu aguerri chef libéral, dès le début du déclenchement des élections et avant même qu'il puisse trouver un avion pour sa campagne.

Son gouvernement avait consolidé sa position auprès de tous les groupes importants d'électeurs. Il avait investi à fond pour tendre la main aux minorités ethniques, subventionné les festivals et avait présenté moult excuses aux minorités offensées. Il avait accordé des allégements fiscaux à des catégories choisies de contribuables selon le potentiel d'obtention de votes.

L'ouverture de rêve pour Stephen Harper est survenue lorsque les libéraux ont annoncé que leur campagne serait axée sur la taxe sur le carbone. M. Harper était convaincu que la campagne serait un référendum sur le Tournant vert. Il ne réalisa pas que la crise boursière allait bouleverser ses plans. Ce n'est que très tard dans la campagne qu'il a finalement abandonné son approche «ne vous en faites pas».

Erreurs tactiques

Cela dit, l'enjeu de la campagne étant de choisir le meilleur chef dans un contexte de difficultés économiques, les conservateurs auraient dû facilement s'assurer une majorité de 155 sièges. Mais M. Harper a répété les erreurs tactiques de dernière minute des campagnes de 2004 et de 2006. Ses commentaires quant aux bonnes occasions d'achat sur les marchés boursiers, quoique bien fondés, ont paru insensibles. Et les railleries à répétition de M. Harper à l'endroit de l'infortuné M. Dion qui a trébuché par incompréhension de l'anglais lors d'une entrevue la semaine dernière ont suscité de nouvelles craintes: un coeur mesquin bat-il sous le gilet du premier ministre?

Cette campagne s'est terminée comme elle avait commencé, comme un référendum sur le mérite de Stephen Harper à titre de meilleur leader en des temps difficiles tandis que le Québec refuse de se prendre de sympathie pour le premier ministre malgré sa métamorphose en bon père de famille.

La campagne aurait dû être une voie royale vers une majorité pour les conservateurs aux dépens d'un rival faible et désorganisé. Mais ce ne fut pas le cas.

Et si l'effondrement mondial atteint le Canada, il fera en sorte que le gagnant des présentes élections sera le grand perdant lors du prochain vote.»

L'auteur est chroniqueur politique au National Post et au Calgary Herald.