Le gouvernement Charest entend tenir une «vaste consultation» afin d'identifier les mesures à prendre pour que le Québec retrouve le chemin de l'équilibre budgétaire. C'est un exercice louable et, à première vue, fort démocratique, qui devrait permettre à maximum de citoyens de participer aux choix de société qui doivent être faits dans la détermination de nos priorités budgétaires.

Dans la pratique, on sait toutefois que le gouvernement Charest a déjà annoncé ses couleurs et que, comme au grand sommet sur le déficit zéro de 1996, les conclusions sont écrites avant même le début de quelque consultation que ce soit. Les ministres du gouvernement abordent sans équivoque des sujets comme l'augmentation des tarifs des services publics, l'instauration du principe d'utilisateur-payeur dans les services publics et le maintien de l'impôt sur le revenu «le plus près possible de la moyenne canadienne».

Peu importe le déroulement et les résultats de cette vaste consultation, il y a lieu de se questionner sur les valeurs et les motivations qui poussent les membres de notre gouvernement vers ces choix de priorités.

Les services publics sont d'abord et avant tout des services (santé, électricité, éducation, transport en commun) que l'on considère comme essentiels et auxquels chaque Québécois devrait avoir accès, peu importe son revenu personnel. En ce sens, une tarification de ces services selon le principe commercial d'utilisateur-payeur apparaît absurde et contraire à l'objectif et à la fonction première d'un service public, c'est-à-dire d'être accessible à tous.

Les coûts de la plupart des services publics se partagent effectivement entre le financement gouvernemental et la tarification du service. Le choix de considérer par exemple l'éducation et le transport en commun comme des services publics qui devraient, par choix de société, être accessibles à tous nous confèrent la responsabilité collective de leur assurer un financement suffisant afin qu'ils continuent à remplir leur rôle efficacement.

Ainsi, il est inévitable que les coûts de fonctionnement de ces services publics augmentent d'une manière plus ou moins constante. Afin de maintenir la qualité et l'accessibilité du service, le financement gouvernemental doit suivre. L'instauration du principe d'utilisateur-payeur dans les services publics viendrait complètement dénaturer le rôle et la place des services publics dans notre société. À partir du moment où le tarif du service devient une barrière qui le rend inaccessible à une portion significative de la population, ce service perd son rôle social et devient un luxe réservé aux privilégiés.

Il est de notre devoir, en tant que collectivité, qu'un hypothétique ticket modérateur en santé, que les frais de scolarité, les tarifs d'électricité et les tarifs de transport en commun demeurent en deçà du niveau qui rendrait ces services inaccessibles aux moins fortunés d'entre nous.

Pour y arriver, la décision courageuse d'augmenter progressivement, mais significativement l'impôt sur le revenu, aussi impopulaire soit-elle, doit être considérée. Un taux d'imposition progressif, comme celui qui existe au Québec, a un impact sensiblement identique sur les finances personnelles de tous les contribuables qui y sont soumis, tout en procurant à l'État les moyens nécessaires au financement des services publics.

Pour quelqu'un comme moi qui a la chance d'occuper un emploi stable et d'être confortablement assis au coeur de la classe moyenne, que signifie de payer 1000 $ de plus d'impôt par année lorsque mes dépenses en biens et services non essentiels (pensons seulement aux produits informatiques et électroniques, au câble, à l'internet) dépassent largement ce montant ?

Ces mêmes 1000 $, bien investis dans nos services publics, peuvent d'un autre côté faire la différence entre le choix - ou non - pour un étudiant de s'inscrire à l'université.

C'est une question de priorités et de choix de société. Je m'achète une nouvelle télé ou bien j'assure la mobilité sociale de mes concitoyens en leur donnant accès au transport en commun, à l'éducation, à la santé, etc.

Arrêtons les tabous et assumons nos choix. Pour ma part, dans le cadre de la consultation que veut lancer le gouvernement sur le retour à l'équilibre budgétaire et l'avenir des services publics, je n'ai aucun problème à clamer: M. Charest, augmentez mes impôts !