M. Ignatieff, il fut un temps où être libéral était un gage de courage, de force de caractère, d'indépendance d'esprit et de respect pour la démocratie.

Force nous est malheureusement de constater qu'en 2009, être membre du Parti libéral fédéral au Québec, c'est savoir se tenir à sa place, obéir sans questionner - et surtout - ne pas questionner les instances en place.

En tant que membres du PLC, mais surtout en tant qu'ardents défenseurs de la pensée libérale, nous nous voyons forcés, par faute de fâcheux événements, à prendre parole sur la place publique pour vous énoncer notre point de vue. Notre but n'est pas d'embarrasser le parti, mais de le fortifier. Si nous agissons ainsi, c'est que nous sommes persuadés que nous n'aurions pu faire passer notre message au travers des instances du parti. Des instances qui, comme toutes institutions, ont la fâcheuse habitude de s'opposer au changement et aux idées leur paraissant un peu trop audacieuses. Dans un parti se voulant libéral, cela devrait être perçu comme un grave problème.

Plus problématique encore nous apparaît la propension qu'ont certains personnages de notre parti à s'institutionnaliser de façon à se rendre omniprésents et omnipotents. Cela nous semble particulièrement vrai ces temps-ci, alors que des relents de duplessisme flottent dans l'air quelque peu vicié de l'aile québécoise du PLC.

Depuis qu'un nouveau lieutenant a été nommé au Québec par vos soins, on n'a eu de cesse de bien vouloir nous faire comprendre l'importance de son rôle. Si bien d'ailleurs qu'avec tout le respect que nous cultivons à votre égard, nous nous demandons qui, de vous ou le lieutenant en question, dirige le parti au Québec. Nous ne remettons nullement en question la qualité de votre leadership au sein du parti, toutefois nous ne pouvons que nous inquiéter de voir certains agir comme s'ils étaient seuls maîtres à bord.

Après nous avoir annoncé en grande pompe, au printemps 2009, que toutes les circonscriptions du Québec, y compris celles tenues par des députés libéraux, pourraient être soumises à une course à l'investiture pour déterminer le candidat du parti, certains se sont mis à jouer à la petite politique pour assurer leur avenir et leurs grandiloquentes ambitions.

De façon quelque peu sournoise, on s'est mis à imposer des candidats dans plusieurs circonscriptions, outrepassant ainsi le droit sacré que devraient avoir les membres de ce parti, que l'on veut libéral, de choisir celui ou celle qui portera le rouge dans leur circonscription.

Il n'est pas très libéral de refuser des candidatures à l'investiture, sans aucune justification, pour privilégier des gens de son entourage. Il n'est pas très libéral de privilégier certains candidats sur d'autres lors d'une course à l'investiture. Et il n'est pas très libéral de mettre ses intérêts propres (ou malpropres, c'est selon) au-dessus de la démocratie.

Sans équivoque, l'imposante ombre de ces gens qui prennent trop de place plane au-dessus de l'ensemble des rangs libéraux au Québec. Lors de la rédaction même de cette lettre, nous avons reçu maints encouragements de la part de gens qui partageaient notre opinion, sans toutefois être prêts à la cosigner par peur de représailles. Est-ce là le parti pour lequel nous souhaitons militer? Ce parti doit retrouver ses lettres de noblesse libérales, et s'affranchir de la loi du silence.

Maintenant que les élections approchent à grands pas, il nous semble difficile de voir à ce que les membres de ce parti - qui rappelons-le sont à la base même de toute victoire possible - aient leur mot à dire dans la sélection des candidats. Toutefois, pour le bien du parti ainsi que pour celui de votre avenir politique, nous croyons que vous devriez vous méfier de ceux qui, par leurs agissements, cherchent par tous les moyens à brimer le courage, la force de caractère, l'indépendance d'esprit et l'âme foncièrement démocrate des membres de ce parti.

Nous sommes certains que vous comprenez, M. Ignatieff, qu'en tant que membres de ce parti, nous méritons mieux.