L'auteur est professeur adjoint de stratégie à la Faculté des sciences de l'administration de l'Université Laval. Il est membre associé de l'Institut québécois des hautes études internationales (HEI) et du Groupe de recherche en administration internationale (GRAI) de HEC Montréal. Il participait le 2 novembre à la conférence «Obama : un premier bilan» tenue à l'Université Laval.

L'arrivée de Barack Obama à la présidence a suscité beaucoup d'espoir et de promesses, notamment en matière économique, d'où l'expression désormais consacrée «d'Obamanomics». Or, force est de constater qu'en dépit d'une rhétorique sans faille, le bilan de la gestion de la crise économique par l'administration Obama demeure mitigé, même si un optimisme prudent est permis.

La bonne nouvelle est que, selon le département du Commerce, l'économie américaine devrait continuer de montrer des signes de rétablissement dans les trimestres à venir, mais le spectre d'une sortie de crise sans véritable création d'emploi est bel et bien réel.

En dépit d'une brillante équipe de conseillers économiques (Summers, Rohmer, Goolsbee), l'administration et le Congrès se sont engagés dans de coûteux programmes dont l'effet principal a été de doper artificiellement la croissance, mais sans nécessairement semer les germes d'une reprise durable.

Premièrement, le Troubled Asset Relief Program (TARP), hérité de l'administration précédente, dont 350 milliards de dollars sur 700 ont été dépensés par l'administration Obama, a bel et bien permis de consolider les industries financière et automobile, mais n'a pas eu pour résultat de libérer le crédit suffisamment pour relancer la consommation et aider les entreprises à naviguer à travers la crise.

De plus, malgré des affirmations contraires, la Maison-Blanche s'immisce jusque dans la gestion des entreprises bénéficiaires. Son rôle dans le remplacement de l'ancien président de GM et le contrôle des salaires des dirigeants d'entreprise ayant bénéficié de ce programme annoncent une importante fuite d'expertise managériale dont elles auront pourtant cruellement besoin dans les trimestres à venir.

Deuxièmement, le American Recovery and Reinvestment Act (ARRA), mieux connu sous le vocable de plan de stimulation, de 787 milliards de dollars, a lui aussi déçu. Certes, des réductions d'impôts à hauteur de 288 milliards sont un pas dans la bonne direction. Cependant, les engagements et les décaissements liés aux autres domaines sont souvent très lents, notamment en raison d'exigences réglementaires liés à la clause Buy American, ce qui laisse croire que l'économie pourrait redécoller sans que les fonds du ARRA n'aient dans leur entièreté contribué à sa relance.

Troisièmement, le Car Allowance Rebate System (CARS), un programme de mise à la casse de 1 milliard qui proposait des rabais jusqu'à 4500$ pour les acheteurs de véhicules neufs plus économiques abandonnant leurs vieux véhicules, a stimulé les ventes de véhicules neufs et permis de réduire les inventaires des concessionnaires.

Malheureusement, ce programme n'a fait que devancer des achats de véhicules qui auraient eu lieu de toute façon en n'aidant que modestement GM et Chrysler puisque les bénéficiaires du programme se sont surtout procurés des véhicules de marques concurrentes.

Les TARP, ARRA et CARS devront être financés par l'émission massive de bons du Trésor, émission qui risque d'en grever la valeur tout en indisposant au passage de gros acheteurs comme la Chine qui se cherchera éventuellement d'autres vecteurs d'investissement. Ceci suppose une pression additionnelle sur un dollar déjà affaibli.

Par ailleurs, dans une économie déprimée depuis plusieurs trimestres et avec un dollar plus faible, il eut été naturel que le commerce extérieur soit stimulé, mais là encore, la Maison-Blanche envoie des signaux contradictoires. D'une part, l'administration affirme son orientation libre-échangiste pour finalement, d'autre part, imposer un tarif de 35% sur les pneus chinois et mettre fin à un projet pilote pourtant conforme à l'ALENA qui donnait accès aux États-Unis à des camionneurs mexicains.

Et ce n'est pas tout, plusieurs dossiers en cours auront d'importantes répercussions économiques prévisibles, mais évacuées par l'administration: la réforme de la santé, dont il est acquis que l'autofinancement est au mieux fallacieux peu importe que l'option publique existe ou non; la réforme du système financier, que ce soit en matière de rémunération, de transparence, de gestion du risque ou de modifications au cadre réglementaire en général, etc.

Bref, en considérant les résultats mitigés ses interventions récentes dans l'économie, l'administration Obama doit éviter la mise en place d'un second programme TARP rentable sur le plan de la politique intérieure, mais qui constituerait une très mauvaise politique publique. Un optimisme prudent est cependant de mise. Le Office of Management and Budget promet plus de rigueur dans le budget américain qui s'annonce.

En somme, nonobstant les effets discutables des tentatives de stimulation de leur économie, les États-Unis se remettront de la crise et demeureront un joueur incontournable de l'économie mondiale.