L'auteur est le premier directeur du tout nouveau Mowat Centre for Policy Innovation, un groupe de réflexion politique indépendant de l'Université de Toronto. Il a été sous-ministre ontarien des affaires intergouvernementales de 2005 à 2009 et professeur de science politique à l'Université Queen's de 1994 à 2004.

Le Québec a longtemps souhaité que le fédéralisme devienne plus souple et que le principe même du fédéralisme soit davantage respecté, c'est-à-dire que tous les gouvernements respectent les juridictions constitutionnelles de chacun. Bien que l'autonomie du Québec se soit immensément accrue depuis la Révolution tranquille, il existe au pays plusieurs courants de pensée qui s'opposent à cet état de fait et qui soutiennent un gouvernement fédéral fort.

Parmi les partisans d'un gouvernement central fort, on trouve les minorités linguistiques, les nouveaux citoyens canadiens ainsi que de nombreux Québécois francophones fédéralistes. On pourrait dire toutefois que le partisan le plus fidèle d'un gouvernement fort à Ottawa est l'Ontario.

 

Le Québec s'est souvent trouvé des alliés parmi des provinces comme l'Alberta et Terre-Neuve, qui ont une identité régionale très claire, dans sa résistance à la centralisation du pouvoir à Ottawa, mais l'Ontario n'a que rarement soutenu cette lutte au cours des cinquante dernières années.

Même si les Ontariens ont montré une plus grande ouverture que les Canadiens de l'Ouest envers certaines demandes du Québec, comme la reconnaissance du statut national de la province, l'Ontario a toujours considéré un gouvernement fédéral fort comme une expression de sa propre identité. L'appui de l'Ontario à un tel gouvernement, appui qui l'oppose aux forces en présence au Québec et dans l'Ouest canadien, est une des caractéristiques principales - même si elle est sous-estimée - de la dynamique politique au Canada.

Cette situation est peut-être en train de changer. Beaucoup d'électeurs ontariens se montrent de plus en plus insatisfaits du gouvernement fédéral et ne le considèrent plus comme la principale entité capable de faire avancer les intérêts de leur province ou ceux du pays. Ils sont nombreux à avoir conclu qu'un gouvernement fédéral fort n'était pas nécessaire pour protéger et servir l'identité canadienne, qui se trouve de plus en plus enracinée dans les âmes canadiennes plutôt que de manière rhétorique dans les programmes fédéraux.

Il existe différentes façons de favoriser l'intérêt national du Canada. L'une d'elles consiste à privilégier des provinces et des villes fortes, avec un meilleur contrôle de leurs ressources et une plus grande autonomie dans la gestion de leurs affaires, et un gouvernement fédéral qui s'occupe de ses principaux domaines de responsabilité, comme la politique macroéconomique et les affaires étrangères.

En Ontario, une partie importante de l'élite estime que le gouvernement provincial et l'administration municipale sont les mieux placés pour faire avancer à la fois les intérêts de l'Ontario et ceux du Canada. Les Ontariens, qui ont découvert que la ville de Toronto comptait davantage de gens vivant dans la pauvreté que l'ensemble des provinces de l'Atlantique, veulent conserver une plus grande partie de leurs richesses afin de pouvoir s'atteler au problème de la pauvreté dans les communautés ontariennes.

Cette nouvelle vision des choses a donné lieu à des conflits avec les autres provinces, dont le Québec, parce que les Ontariens s'opposent de plus en plus aux transferts du gouvernement fédéral qui permettent de redistribuer les richesses de leur province.

Il faut comprendre que si l'Ontario se range du côté du Québec, et d'une partie de l'Ouest canadien, en soutenant une plus grande autonomie pour les provinces, elle voudra par la suite gérer davantage ses propres ressources. C'est ce qui permettra à l'Ontario d'être en meilleure mesure de prendre ses propres décisions en ce qui concerne des questions comme la formation liée au marché du travail, les programmes de soins aux enfants, l'intégration des immigrants et le soutien du revenu. Les Québécois, qui ont longtemps cherché, et obtenu, la même chose de la part du gouvernement, devraient comprendre le désir des Ontariens.

Peut-être sommes-nous à l'aube d'une époque où les Ontariens seront davantage intéressés par une vision du fédéralisme telle qu'elle a été formulée par Oliver Mowat et Honoré Mercier. En ce moment, de très belles occasions peuvent se présenter aux Québécois et aux Ontariens s'ils se considèrent comme des alliés dans la construction d'une fédération renforcée qui soutient des provinces fortes et respecte les juridictions constitutionnelles de chacun plutôt que comme des ennemis qui se battent vulgairement pour un peu plus d'argent.