Depuis la chute récente dans les sondages du Parti libéral du Canada, bon nombre de commentateurs cherchent à comprendre ce qui cloche au sein du parti. Dans ce contexte, la sortie récente de l'épouse de l'ex-chef du parti, Janine Krieber, a tout pour faire saliver les médias. J'ai eu le privilège de travailler de près avec Stéphane Dion, comme ministre et comme chef de l'opposition. C'est un homme courageux, d'une grande intelligence et qui a toujours fait preuve d'une loyauté sans faille à son parti et à son pays. Il a admirablement bien servi le Canada. Bien que je comprenne l'amertume de Mme Krieber, je ne partage évidemment pas sa lecture de la situation.

Il est vrai que le Parti libéral connaît des difficultés, comme tous les partis en connaissent. Mais il faut mettre les choses en perspective. Rien ne laisse croire qu'il s'agisse d'obstacles insurmontables.

 

Notre système parlementaire ne rend jamais la vie de l'opposition officielle facile. Dans la vie démocratique d'un pays, il est sain et normal qu'un parti qui a gouverné le pays pendant plus de 75 ans au cours du dernier siècle ait, une fois sur les banquettes de l'opposition, à prouver à l'électorat canadien qu'il est capable de se renouveler et de regagner leur confiance.

Ceux qui pensent que le Parti libéral est en voie de devenir un parti moribond font une mauvaise lecture des facteurs qui ont contribué à son succès dans le passé et qui contribueront à son succès dans le futur.

Le Parti libéral est une institution politique qui a perduré dans le temps parce qu'il a toujours assez bien réussi à occuper le centre de l'échiquier politique canadien et parce qu'il a réussi à incarner dans ses politiques les valeurs traditionnelles canadiennes que sont la solidarité, le respect et la compassion.

Cela ne lui donne en rien un monopole sur ces valeurs; il reste que l'histoire démontre qu'à l'instar des Canadiens, le Parti libéral a fait preuve de modération, de pragmatisme et qu'il a mis de l'avant des politiques qui ont reçu l'appui d'une grande majorité de Canadiens.

Rien n'indique que cet état de fait ne prévaut plus aujourd'hui. Rien ne laisse présager qu'il n'est plus en faveur du rôle de l'État tout en croyant à la capacité de l'individu à faire les bons choix pour lui-même. Qu'il ne croit plus en des programmes sociaux qui assurent l'égalité des chances. Qu'il a changé d'avis sur le rôle du gouvernement fédéral de redistribuer la richesse au sein du pays ou qu'il a abandonné ses ambitions de faire rayonner le Canada dans le monde.

Le Parti libéral a toujours attiré des chefs et des individus de grande valeur. Wilfrid Laurier, Lester B. Pearson, Pierre Trudeau, Jean Chrétien, Paul Martin et Stéphane Dion ont tous été des hommes politiques qui, à leur façon, ont contribué à faire du Canada ce qu'il est aujourd'hui, tant sur le plan intérieur qu'à l'international.

Le parcours personnel et intellectuel de Michael Ignatieff n'a rien pour le disqualifier à faire partie de ce groupe sélect, au contraire. Bien que son image d'homme politique reste encore un peu floue, il a certes la stature et l'envergure pour devenir un bon premier ministre. Les changements qu'il vient de faire à sa garde rapprochée devraient d'ailleurs encourager ceux et celles qui pensent qu'il n'est pas prêt à apprendre de ses erreurs et à poser les bons gestes pour sortir le parti de l'impasse.

En fin de compte, un chef de parti politique, quel qu'il soit, est appelé à vivre des moments qui mettent à l'épreuve sa résilience. Parlez-en à Stephen Harper, qui après la défaite de 2004, avait dû s'isoler pendant des semaines pour soigner ses plaies ou à Jean Charest qui a encaissé une dure défaite contre Lucien Bouchard et qui a dû attendre cinq longues années avant de devenir premier ministre du Québec.

Les chroniques de morts annoncées font partie de l'adversité auxquelles ont à faire face les hommes et les femmes politiques. Il y a là une belle occasion pour le chef libéral de montrer de quoi il est fait.