Le référendum suisse sur la construction de futurs minarets est la preuve par neuf que la démocratie « directe » est une vulgaire caricature de l'idéal démocratique, de la même façon que les tribunaux « populaires », dont les verdicts reposent sur les émotions viscérales de la plèbe, sont l'antithèse de la justice.

Le référendum suisse sur la construction de futurs minarets est la preuve par neuf que la démocratie « directe » est une vulgaire caricature de l'idéal démocratique, de la même façon que les tribunaux « populaires », dont les verdicts reposent sur les émotions viscérales de la plèbe, sont l'antithèse de la justice.

L'idée même de soumettre à un référendum les droits d'une minorité – en l'occurrence les musulmans, qui représentent 5 % de la population suisse – devrait faire frissonner tous ceux qui ont un minimum de respect pour les libertés civiles.

Un référendum sur l'indépendance du Québec ? Pas de problème, car la question ne cible aucune catégorie sociale en particulier. Mais tenir un référendum sur une religion minoritaire, c'est soumettre le sort d'une minorité à la tyrannie de la majorité.

On entend des gens s'étonner de l'indignation qu'a suscitée le résultat du référendum suisse sous prétexte qu'en Arabie Saoudite ou en Iran, on ne construit pas d'églises catholiques ! Allons donc ! Faudrait-il comparer la Suisse avec les dictatures les plus obscurantistes ? Ce n'est pas à l'aune des croyances médiévales qui ont cours dans nombre de pays musulmans que l'on doit juger les démocraties libérales de l'Occident.

C'est d'ailleurs pourquoi Guantánamo – camp moins inhumain que les sordides geôles des pays totalitaires – a été condamné si sévèrement : parce que les États-Unis sont une démocratie, dont on attend un comportement respectueux des droits humains.

Cette affaire de minarets évoque les peurs irrationnelles hérouxvilloises. Loin de « détruire » le beau paysage suisse, les minarets y sont au nombre de... quatre ! Qui plus est, la plupart des 400 000 de musulmans suisses sont des Européens originaires des Balkans, et forment une population en général sobre et modérée.

Si les villes (Zurich, Genève, Bâle) où est concentrée la population musulmane ont voté contre l'interdiction des minarets, les cantons ruraux du pays ont massivement voté en faveur, assez pour que le total des « oui » atteigne 57,5 %. Leur réaction ressemble à celle des Hérouxvillois qui, bien que n'ayant jamais croisé un musulman en chair et en os, se sont imaginé qu'on allait bientôt lapider les femmes adultères dans les rues de Montréal !

Il y a toutes sortes de mosquées dans le monde. Il y a les masadras pakistanaises, où l'on forme les futurs djihadistes. Il y a, probablement, une bonne majorité de mosquées pépères analogues à nos tranquilles églises. Tout comme il existe des églises monumentales et des églises sans clocher visible, il y a des mosquées avec et sans minarets. (Les minarets installés dans les villes occidentales ne répercutent pas par haut-parleur les appels à la prière du muezzin qui ponctuent la vie quotidienne des villes musulmanes, et de toute façon les municipalités auraient le pouvoir de régir la hauteur des tours et de limiter les nuisances sonores si cela s'imposait.)

Oui, il y a aussi des mosquées qui sont des foyers de terrorisme au coeur de l'Occident. Mais comme le rappelait Doug Saunders, le correspondant européen du Globe and Mail, les mosquées où ont été planifiés les pires attentats islamistes des dernières années (celles de Hambourg, Leeds et Madrid), sont de minables bâtisses de briques dépourvues de minarets, les prédicateurs extrémistes n'ayant que dédain pour ces ornementations superficielles.

Le vote suisse a été publiquement applaudi par tout ce que l'Europe compte de formations d'extrême droite, du Front national français à la Ligue du Nord en Italie en passant par le Vlaams Blok flamand... et secrètement applaudi par beaucoup d'autres, ici comme ailleurs. Cela montre que la protection des libertés fondamentales est un acquis fragile, et un combat toujours à recommencer.