C'est comme suite aux États généraux sur l'éducation, lancés en 1995 par le ministre Jean Garon, qu'est venue la réforme tant décriée. Et avec raison. Car cette réforme a été un détournement des conclusions des États généraux. Les réformateurs ont en effet pris prétexte des États généraux pour introduire des changements reposant sur une philosophie de l'éducation que n'appelaient nullement les consensus réalisés alors.

Les États généraux ne demandaient rien d'autre que le renforcement des matières dites de base, l'élimination de matières superflues (introduites le plus souvent sous la pression politique de groupes intéressés) et la révision des programmes dans une perspective d'enrichissement culturel.

Ces correctifs auraient très bien pu être opérés sans l'introduction du socioconstructivisme dépoussiéré par des pédagogues de l'Université de Sherbrooke et l'école coopérative prônée par la CEQ (aujourd'hui CSQ). Il n'était surtout pas nécessaire (et ce n'était pas et n'est toujours pas son rôle) que le ministère de l'Éducation décrète les moyens valables à utiliser (travail coopératif, apprentissage par projets...).

Les États généraux réclamaient des ajustements faciles à opérer dans le cadre des orientations mises de l'avant à partir de 1980. Nous voulions des changements de nature pédagogique. Les réformateurs en ont profité pour imposer une révolution en profondeur de nature beaucoup plus sociale que pédagogique. Leur réforme a échoué parce qu'elle ne correspondait pas à ce que voulaient la population et les éducateurs et qu'elle n'a en rien permis une réduction du décrochage scolaire.

La solution est assez simple. Il faut revenir à l'esprit des orientations et des programmes de 1980. Les directeurs et enseignants ont mis beaucoup d'énergie à reformuler ces programmes (beaucoup plus clairs que les programmes-cadres issus du rapport Parent) pour évaluer des habiletés (savoir-faire) en plus des connaissances (savoir).

Restait à préciser comment évaluer les attitudes (savoir-être). Des efforts inouïs ont été déployés pour améliorer nos façons d'évaluer les apprentissages. Les enseignants adhéraient pour la plupart à cette nouvelle approche qui mettait l'accent plus sur l'apprentissage (ce que l'élève apprend) que l'enseignement (ce que l'enseignant enseigne).

Surtout, ils restaient entièrement libres des moyens à utiliser pour aider les élèves à apprendre. Personne ne réclamait que l'on parle désormais de compétences. Nous étions assez heureux de tout faire pour évaluer des habiletés.

En français, par exemple, nous mettions l'accent sur la composition (que nous appelons désormais production écrite), car c'est l'habileté à écrire que nous voulions développer et non pas uniquement la mémoire par l'acquisition de connaissances grammaticales qui, de toute façon, ne sont vraiment intégrées que dans le contexte de l'écriture.

Personne enfin ne réclamait la révolution socioconstructiviste qui fut ni plus ni moins imposée.

Dans ce contexte, il aurait été facile de satisfaire les attentes des États généraux : renforcer les apprentissages de base en éliminant les matières inutiles, redonner leur place à l'histoire et aux connaissances générales. Nous aurions même pu réfléchir au concept de compétences transversales qui n'est pas en soi une mauvaise idée. Ces modifications auraient pu être introduites sans la révolution en profondeur qui fut décrétée.

Quant au décrochage scolaire, on se rend bien compte qu'il s'agit d'une problématique qui déborde l'école et qu'aucune réforme pédagogique ne pourra résoudre seule. Le décrochage scolaire concerne toutes les forces vives de la société et ne saurait diminuer sans une revalorisation du rôle de l'école.