Ce qui a le plus retenu l'attention, quand un groupe de Québécois influents est intervenu mardi pour se dire en faveur du déplafonnement des droits de scolarité universitaires, c'est moins le message que les messagers.

Presque tous des ex. Un ex-premier ministre, Lucien Bouchard, un ex-président du Conseil du trésor, Joseph Facal, deux ex-ministres des Finances, Monique Jérôme-Forget et Michel Audet, des ex-recteurs comme Robert Lacroix.

Bien des gens se sont spontanément demandé pourquoi tous ces ex n'avaient pas agi lorsqu'ils pouvaient le faire. La question est rhétorique. Car on connaît la réponse. Ces ex-politiciens proposent un « pacte pour le financement concurrentiel de nos universités » parce qu'ils ont retrouvé leur liberté de pensée et de parole. Lorsqu'ils étaient en politique active, ils avaient les mains liées.

Encore là, bien des gens auront tendance à attribuer cette incapacité d'agir au manque de courage des politiciens, à leur vision à courte vue, ou à leur obsession pour le pouvoir qui les amène à agir uniquement en fonction de leurs intérêts électoraux. C'est un peu court. Un gouvernement qui perd le pouvoir ou qui est paralysé par les crises ne peut pas aller bien loin.

Cette sortie des ex illustre surtout le fait qu'il est devenu terriblement difficile de gouverner, plus particulièrement lorsque l'on veut faire des changements. Les politiciens sont prisonniers d'un système de compromis, ils sont aussi les otages de débats publics où les groupes de pression, les médias, les sondages, les sursauts de l'opinion publique, les blocages des partis d'opposition transforment les tentatives de réforme en véritables courses à obstacles, pour ne pas dire en chemin de croix.

Ce que l'on peut aussi noter, c'est que la paralysie de nos gouvernements se manifeste toujours du même bord. Il n'y a absolument aucun problème lorsqu'il s'agit de lancer un nouveau programme qui élargira la palette de notre protection sociale. Mais quand on veut aller dans l'autre direction, que l'on veut toucher aux acquis, quand on menace le statu quo, quand on égratigne l'un des dogmes que l'on associe à la Révolution tranquille, là, on frappe un mur.

C'est ce qui est en train de se produire. L'idée de dégeler les droits de scolarité et de laisser les universités libres de les fixer a provoqué des réactions parfaitement prévisibles. Des réflexes conditionnés. On pèse sur le piton et la réponse est mécanique : accessibilité, système à deux vitesses.

J'ai d'ailleurs écrit sur ce sujet, il y a à peine deux semaines, lorsque la ministre de l'Éducation, Michelle Courchesne, s'indignait, évidemment au nom de l'accessibilité, de la décision de l'université McGill d'exiger 29 000$ pour son programme de MBA. (http ://tinyurl.com/dubucmcgill). Je défendais l'idée qu'il fallait augmenter les droits pour soutenir les universités, mais aussi qu'il fallait aussi permettre des frais variables selon le type de programme et selon la vocation des universités.

C'est notre devoir collectif de faire en sorte que l'origine sociale ne soit pas un frein à l'entrée à l'université. Mais faisons-le comme il faut. Nos frais plus bas que dans les autres provinces ne donnent rien: ils n'ont pas permis d'augmenter la fréquentation universitaire, ni réduit les inégalités dans l'accès. De nombreuses études montrent que la barrière n'est pas financière, mais socioculturelle - valorisation de l'éducation à la maison, résultats scolaires. La bataille pour la justice doit se faire en amont, dès l'enfance.

Je ne peux donc que me réjouir de l'intervention de tous ces ex. Elle pourra peut-être faire bouger les choses, aider le gouvernement libéral à briser le carcan dont il est prisonnier, et peut-être amener l'opposition péquiste à avoir une petite gêne avant de pousser les hauts cris.