M. (Lucien) Bouchard, je vous écoutais parler l'autre soir, et un agacement profond montait en moi. Je constate que nos réalités et nos visions sont à des années-lumière.

M. (Lucien) Bouchard, je vous écoutais parler l'autre soir, et un agacement profond montait en moi. Je constate que nos réalités et nos visions sont à des années-lumière.

Je vous parle en tant que mère de famille, d'une famille nombreuse certes, car j'ai quatre enfants. Mon revenu conjugué à celui de mon conjoint frôle les 100 000  $ par année. Ce qui fait de moi une pure représentante de la classe moyenne. Je constate cependant qu'au fil du temps, mon niveau de vie chute à une vitesse phénoménale. Nos salaires n'augmentent pratiquement pas alors que nos dépenses ne cessent de croître. Je ne parle pas ici de dépenses frivoles, mais bien de nos dépenses de base.

Mes enfants ont respectivement 7, 11, 14 et 18 ans. Mes allocations familiales, cette année, vont diminuer, car le plus jeune a 7 ans et ma plus vieille est maintenant majeure. Mais dans les faits, ma fille majeure et mon garçon de 7 ans ne me coûteront pas moins cher. Bien au contraire... L'an prochain, j'ajouterai à mes dépenses de base, celles des droits de scolarité universitaires ainsi que des fournitures scolaires qui seront beaucoup plus élevées que ceux que je paie cette année. Même si ma fille va en payer au moins le tiers... mes dépenses, que je considère de base, augmenteront significativement, car il faut ajouter à cela une augmentation de 60 % des transports en commun pour les gens de Longueuil.

Quant à mon jeune de 7 ans, j'aimerais qu'on m'explique la logique de cette diminution des allocations. Un enfant de 3 à 6 ans ne porte plus de couches, ne prend plus de biberon et les frais de garderie sont identiques, sinon plus bas (car les collations et les repas sont compris) que ceux imposés en service de garde aux enfants plus âgés... D'ailleurs, dans un avenir rapproché, n'est-il pas question d'augmenter aussi ces mêmes tarifs de services de garde ?

Abordons maintenant le sujet des hausses de tarif d'Hydro-Québec. Une fois de plus, nous parlons d'augmentation de mes dépenses de base. Hydro-Québec prévoit un coût moindre pour les premiers kilowatts consommés, considérant que ces derniers couvrent les besoins énergétiques les plus fondamentaux. Je vous rappelle cependant que ce calcul s'établit par ménage et ne tient pas compte du nombre de personnes qui y résident. Une hausse de tarif pour une famille comme la mienne est beaucoup plus élevée que celle pour une personne habitant seule.

Vous n'avez peut-être pas remarqué, mais la facture du panier d'épicerie a considérablement augmenté, le prix de l'essence aussi et je ne parle pas des taxes municipales....

Dans les faits, M. Bouchard, je m'appauvris, comme la plupart des personnes qui forment la classe moyenne.

Je ne suis pas en désaccord avec une augmentation du financement des universités, mais je trouve facile d'en faire uniquement payer le prix aux étudiants (et à leurs parents). L'État ne peut augmenter sa contribution, nos finances publiques sont dans un piètre état, mais vos solutions ne reposent que sur les épaules de la classe moyenne. Où prendre l'argent nécessaire ? Le problème est dans la redistribution de la richesse. L'écart entre les riches et la classe moyenne est de plus en plus grand, mais cela, on se garde bien de le dire. Retournez donc, vous et vos amis bien-pensants dont sont exclues les mères de famille nombreuse de la classe moyenne, refaire vos devoirs...

Le Québec de la Révolution tranquille avait fait le choix de donner à ses citoyens le droit à la santé et à l'éducation. Cette conviction était fondée sur le poids d'un vécu que vous semblez balayer d'un revers de main. Ne me parlez pas de contrer la baisse de l'accessibilité par des prêts et bourses dont la classe moyenne ne peut jamais se prévaloir. L'endettement des ménages est rendu à un niveau jamais atteint (cela aussi on se garde bien d'en parler) et vous voulez que nos jeunes partent dans la vie avec le poids d'une dette énorme sans être sûr, au bout du compte, qu'un emploi décent les attende...