J'ai lu avec intérêt votre article (La Presse, 2 mars) traitant des nouveaux cas de C. difficile à l'hôpital Maisonneuve-Rosemont. Le texte imputait en grande partie la recrudescence de la bactérie aux lacunes de stérilisation et de salubrité. Il y a plus.

Mon père a succombé du C. difficile dans cet hôpital en octobre dernier. Il attendait de recevoir son congé quand soudainement son monde s'est écroulé. À cause de maladresses, il est devenu bien malgré lui un vecteur de propagation de la maladie.

C'est un état de choses qui aurait pu être atténué, voire évité, en utilisant le gros bon sens.

Dès le départ, on aurait dû être vigilant avec mon père puisqu'on lui avait prescrit un antibiotique à peine un mois avant son hospitalisation. Le monde médical sait bien que les antibiotiques perturbent la flore intestinale pour laisser la porte grande ouverte au C. difficile. Connaissant la propension des médecins québécois à prescrire les antibiotiques, c'est à se demander si mon père en avait réellement besoin, surtout qu'on savait pertinemment que sa chirurgie était imminente!

Ainsi donc, cinq jours après sa chirurgie, mon père a commencé à se plaindre de gonflement abdominal. Les diarrhées ont débuté le lendemain après l'administration d'un lavement ; on le croyait constipé. Vingt-quatre heures plus tard, le diagnostic est tombé: C. difficile. Vingt-quatre heures durant lesquelles il a partagé une chambre avec un autre pauvre patient!

Plus incroyable encore, obligé de passer une radiographie de contrôle, on a déambulé mon père dans les méandres de l'hôpital pour l'amener en radiologie plutôt que de faire venir l'unité mobile dans sa chambre. On doit mettre chemise d'hôpital et gants pour aller le voir et lui se promène partout à propager sa bactérie mortelle!

On décide alors de le transférer vers un autre étage où on le mettra en isolement. On sait que les patients en attente de transfert voient leurs soins considérablement réduits en attendant que la prochaine unité les prenne en charge. Mon père a attendu d'être transféré tout l'après-midi, une période où son état s'est grandement détérioré, principalement à cause de la déshydratation due aux diarrhées. Il n'avait plus de soluté; on le lui avait retiré quelques jours auparavant. Commentaire de l'infirmière: «Ils vont lui en donner en haut». Mais il était encore à l'étage à contaminer tout le monde!

Le soir venu, l'état de mon père est devenu très critique. Enfin appelé en renfort, un résident vraisemblablement dépassé par les événements a cru à une embolie pulmonaire. Encore une fois en radiologie! Le scan a été négatif. Bien pensé docteur, mais le problème évident, c'était le C. difficile, non?

Stabilisé, mon père est demeuré dans sa chambre, sans transfert à l'étage supérieur ni aux soins intensifs, bien qu'il ait semblé en avoir véritablement besoin. Ce n'est que le lendemain matin, après être tombé en septicémie sévère, qu'il a été transporté aux soins intensifs où il est décédé 10 heures plus tard.

Ironiquement, à la suite de son décès, les médecins ne s'entendaient même pas sur le diagnostic, avouant attendre, tout comme moi, les résultats de l'autopsie pour comprendre ce qui s'était passé.

J'ai su par la suite qu'il y avait eu une éclosion à l'hôpital durant la période de l'hospitalisation de mon père. Je ne peux m'empêcher de penser qu'il a peut-être été le «patient zéro», celui qui a été à son origine...