C'est à leurs risques et périls que les sociétés démocratiques se lancent dans des débats sur l'«identité nationale». La France vient de l'apprendre à ses dépens. Hélas! ce sujet attire comme un aimant les politiciens qui veulent instrumentaliser à leurs propres fins les angoisses existentielles de populations qui se croient, à tort ou à raison (généralement à tort), menacées par l'immigration.

C'est à leurs risques et périls que les sociétés démocratiques se lancent dans des débats sur l'«identité nationale». La France vient de l'apprendre à ses dépens. Hélas! ce sujet attire comme un aimant les politiciens qui veulent instrumentaliser à leurs propres fins les angoisses existentielles de populations qui se croient, à tort ou à raison (généralement à tort), menacées par l'immigration.

On peut avoir une once d'indulgence pour le Québec francophone, îlot perdu dans un continent anglophone. Mais la France? Qui peut croire que 66 millions de Français se trouveraient menacés par des immigrants qui, dans leur immense majorité, adoptent prestement la langue et les moeurs d'un pays d'accueil qui possède au surplus une rare capacité d'assimilation? D'ailleurs, comment définir l'identité, à notre époque où les populations des pays développés sont de plus en plus métissées?

N'importe. À l'heure où le pays se débat dans des problèmes énormes (taux de chômage ahurissant, déqualification des jeunes, délocalisation d'entreprises, finances publiques déficitaires), la classe politique française a gaspillé les derniers mois à ergoter sur l'identité... et sur la burqa, ce vêtement afghan dont on ne retrouve pas plus de quelques dizaines d'exemplaires en France.

Détail significatif, les deux animateurs de cette dernière mission étaient deux députés extrémistes, l'un de gauche, le communiste André Gérin, et l'autre de droite, le nationaliste populiste Éric Raoult... ce qui prouve bien que les extrêmes se rejoignent dans l'intolérance.

Le rapport de la commission reste en suspens, et sujet à l'avis du conseil constitutionnel (l'équivalent de notre sénat). Il serait moins contestable d'interdire le voile intégral (de même que les cagoules) pour des raisons de sécurité. Récemment, deux braqueurs de banque recouverts de burqas ont pu franchir le sas de sûreté dont sont dotées les banques françaises, parce que l'employé qui leur a ouvert croyait avoir affaire à deux femmes...

Indépendamment de l'argument de la sécurité, qui se défend, il reste que l'obsession autour de la burqa a quelque chose de parfaitement démesuré. Au Danemark, par exemple, où le gouvernement (de droite) pioche sur le dossier de la burqa, il n'y aurait pas plus de trois porteuses de burqas... et à peine plus de 150 femmes porteraient le niqab, dont le tiers sont des Danoises converties ! L'opposition sociale-démocrate, à bon droit, a qualifié de «farce» ce débat sur la burqa.

En France, le débat sur l'identité a également tourné en queue de poisson, en raison notamment de la réserve du Parti socialiste et aussi parce que l'opération, mal démarrée, risquait de dérailler pour de bon.

Ici, le gouvernement Charest avait au moins pris la précaution de baliser le débat en en confiant la direction au duo Bouchard-Taylor. Ces derniers, de même que l'appareil professionnel non partisan qui encadrait les débats, ont limité les dérapages racistes. En France, au contraire, l'organisation des débats a été abandonnée aux politiciens locaux... ce qui, on le devine, a donné lieu à toutes sortes d'excès verbaux qui ont rapidement donné très mauvaise presse à l'entreprise.

Finalement, la montagne a accouché d'une souris : les élèves chanteront La Marseillaise au moins une fois par an, le tricolore flottera devant les écoles, il y aura dans chaque classe un exemplaire de la Déclaration des droits de l'homme...

Le président Sarkozy et l'UMP, qui avaient fait de l'«identité nationale» leur fonds de commerce dans l'espoir de faire le plein des voix de droite, à quelques mois des élections régionales, auront perdu pas mal de crédibilité dans cette opération mal gérée. Les socialistes n'en sont pas sortis indemnes non plus, car l'épisode a mis en relief leurs divisions internes.