Le moins que l'on puisse dire, c'est que l'incertitude est à son comble quant à l'avenir des marchés financiers et des économies réelles. Si nous comprenons de mieux en mieux les origines de cette crise et ses conséquences probables, nous savons de moins en moins où cela nous conduira et quelles mesures seraient les plus appropriées pour d'abord limiter les dégâts et repartir ensuite la machine à création de richesse. (...)

Dans cette économie globalisée, le mal frappe partout, mais les économies nationales ne sont pas toutes dans la même situation pour absorber le choc. Le cas du Canada est, à plusieurs égards, heureusement particulier. D'abord, ses institutions financières sont fondamentalement saines. (...) Par ailleurs, le Canada, par un contrôle adéquat des conditions du crédit hypothécaire, a su éviter la crise hypothécaire et immobilière que vivent les États-Unis et qui est à l'origine de la débâcle actuelle. Enfin, le bon état des finances publiques et le faible endettement public du Canada sont uniques dans l'ensemble des pays industrialisés et donnent à ce pays une marge de manoeuvre que les autres pays industrialisés nous envieront de plus en plus.

 

Interventions gouvernementales

La sortie de cette crise sera longue et se fera par étapes. La première étape ne peut souffrir de délais. Il faut absolument stopper la perte de confiance dans les institutions financières et rétablir le crédit. Les États-Unis ont amorcé péniblement le processus et les pays européens, de façon plus ou moins concertée, tentent d'en faire autant. L'essence de ces plans est de délester les institutions financières d'une partie de leurs prêts les plus risqués et de rassurer les épargnants en garantissant une partie ou la totalité des dépôts bancaires.

Ces pays veulent ainsi éviter les mouvements de panique envers le système bancaire et rétablir au sein de ce système une confiance mutuelle qui relancera le marché interbancaire et permettra un relâchement des conditions de crédit. Il faut que ceux qui doivent emprunter puissent à nouveau le faire et à des conditions raisonnables. C'est une condition sine qua non du maintien puis de la reprise de l'activité économique. (...)

Pour le moment et compte tenu de sa situation privilégiée, le Canada n'a pas besoin de mesures particulières pour sauver son système financier qui n'est nullement en péril. Ce qui ne veut pas dire qu'une grande vigilance ne soit pas de mise dans cette turbulence mondiale qui peut, à tout moment, se propager au Canada.

La crise financière a aussi de sérieuses conséquences sur l'économie réelle. Une récession importante est inévitable. Elle est déjà apparue dans certains pays industrialisés et se généralisera rapidement. Deux causes majeures l'expliquent: la baisse des investissements découlant de la crise du crédit et la baisse de la consommation qu'entraînera la perte de richesse occasionnée par la dégringolade boursière et la chute des prix de l'immobilier. Cette récession affectera les pays émergents dans leurs exportations et les entraînera, eux aussi, dans leur premier ralentissement économique sérieux de la décennie.

Économie canadienne

L'économie canadienne sera particulièrement frappée par cette baisse de la croissance économique mondiale. En effet, les secteurs du pétrole, du gaz et de l'ensemble des ressources naturelles, moteur principal de la croissance économique canadienne des dernières années, seront lourdement affectés par cette baisse de croissance économique mondiale. La vitalité de ces secteurs ne pourra donc plus compenser le ralentissement déjà vécu dans d'autres secteurs de l'économie canadienne.

Petite économie dans l'ensemble de l'économie mondiale et pays très ouvert au commerce international, le Canada ne pourra pas complètement éviter les conséquences de ce ralentissement économique mondial. Il peut, cependant, en atténuer les effets par des interventions fiscales et de dépenses publiques clairement ciblées sur trois objectifs: la croissance des investissements, le soutien à la consommation et le support aux personnes les plus affectées par le ralentissement économique.

De tous les pays industrialisés, le Canada est celui qui possède la plus grande marge de manoeuvre pour mettre en place de telles politiques contra cycliques. Cette marge de manoeuvre doit être utilisée intelligemment sans craindre, si nécessaire, un déficit budgétaire conjoncturel.

L'auteur est économiste.

Il a été recteur de l'Université de Montréal de 1998 à 2005.