Si Barack Obama gagne les élections de demain, comme cela semble probable, la raison principale en sera l'état horrible de l'économie. En fait, John McCain avait de bonnes chances de victoire jusqu'à ce que l'octobre noir de Wall Street détruise sa campagne.

Lorsque surviennent des périodes économiques difficiles, c'est généralement le parti qui occupe la Maison-Blanche qui porte le blâme. Et c'est bien dommage pour McCain, qui a été l'un des conservateurs les plus responsables sur le plan fiscal à Washington (il faut convenir qu'il s'agit d'une distinction discutable, comme d'être surnommée la meilleure ballerine à Calgary).

La présente crise économique n'est pas seulement imputable au Parti républicain, mais McCain ne tirera pas grand avantage à dire cela. Les démocrates doivent aussi assumer une bonne partie du blâme. Ce désastre est le fruit du bipartisme.

En 1992, Bill Clinton a remporté la présidence après 12 ans de règne républicain grâce à un programme «Nouveau Démocrate», qui réconciliait la gauche avec le capitalisme de marché libre. Clinton a retenu les services d'Alan Greenspan, le président de la Réserve fédérale américaine (Fed), que l'establish-ment de Washington considérait presque à l'égal d'un dieu. Les marchés boursiers s'envolèrent. Ni Greenspan le Grand ni les magiciens de Wall Street ne pouvaient errer.

En 1998, une dirigeante de l'autorité réglementaire gouvernementale du secteur financier vint voir Greenspan et deux autres grands responsables de l'équipe économique de Clinton. Elle lança l'avertissement suivant: l'absence de réglementation du marché des produits dérivés représentait une menace pour tout le système financier. D'après The New York Times, les trois hommes l'envoyèrent paître et ils convainquirent le Congrès qu'il n'y avait pas de souci à se faire.

Deux années plus tard, le Sénat adopta à l'unanimité une loi rendant illégale la réglementation des swaps sur défaillance. Le président démocrate apposa sa signature, et le document devint loi.

Au coeur du désastre financier

Les produits dérivés de même que les swaps sur défaillance se retrouvent maintenant au coeur du désastre financier. Comme l'a souligné en 2002 Joseph Stiglitz, Prix Nobel d'économie et qui fut aussi un grand conseiller de Clinton, il y avait tant d'argent répandu par Wall Street à Washington, dans les années 90, que les politiciens accordèrent aux hommes obsédés par l'argent tout ce qu'ils voulaient.

Cette capitulation bipartite au profit des élites financières s'est poursuivie sous le nouveau président, George W. Bush. En 2004, les cinq membres du comité gouvernemental responsable de la réglementation des marchés boursiers, trois républicains et deux démocrates, ont répondu favorablement à une demande des cinq plus importantes banques d'affaires leur permettant d'ignorer les règles existantes qui limitaient l'ampleur de la dette que leurs divisions de courtage pouvaient assumer. Cette requête fut accordée sans un seul vote dissident.

Les cinq banques d'affaires coururent alors des risques complètement fous. À cause de leur imprudence, deux de ces banques se sont effondrées cette année (Bear Stearns et Lehman Brothers), deux se sont vendues et ont abandonné les activités de courtage pour survivre (Morgan Stanley et Merrill Lynch) et une, Goldman Sachs, s'est transformée en banque ordinaire. Sic transit gloria Wall Street.

La semaine dernière, Greenspan a admis qu'il n'avait pas imaginé que les élites de Wall Street puissent se comporter d'une manière si stupide avec l'argent des investisseurs. La nation attendra en vain des confessions des politiciens de Washington qui leur ont laissé la bride sur le cou.

Si demain les électeurs américains rendent le Parti républicain responsable de cette catastrophe, le résultat sanglant sera juste, mais incomplet. Lorsque les gens se rendront compte que les méchants n'appartiennent pas à un seul parti, mais qu'ils comprennent plutôt toute la classe de leaders à Washington, nous assisterons à une révolte populaire de la base des deux partis, s'il y a quelque justice en ce monde.

Oui, citoyens, demain sera l'heure du tombereau pour les républicains condamnés. Mais si j'étais un membre démocrate du Congrès, je ne serais pas si empressé de dire que le jour de gloire est arrivé.

L'auteur est éditorialiste au Dallas Morning News.