Le soleil s'est levé mercredi matin sur Tbilissi au moment même où les télévisions américaines annonçaient l'élection de Barack Obama à la présidence des États-Unis. Pour la Géorgie, comme pour le reste du monde, cette élection marque un tournant.

Sur le plan international, Barack Obama a beaucoup promis pendant la campagne électorale. Il s'est fait le champion de l'ouverture avec le reste du monde après huit ans d'une catastrophique administration Bush. Il a rejeté la torture et les actions criminelles adoptées par le tandem Bush-Cheney dans leur lutte au terrorisme et leur guerre en Irak. Il a tendu la main aux ennemis des États-Unis. Il a refusé de faire siens ceux créés de toutes pièces par les républicains et leurs affidés dans certains centres de recherche et médias afin de maintenir les Américains dans la peur et la paranoïa d'un monde supposé devenu dangereux.

Il a proposé un plan crédible afin de sortir les États-Unis du bourbier irakien et jeté les bases d'une nouvelle approche en Afghanistan. Sa vision du monde est plus généreuse et sophistiquée que l'était celle de son adversaire, John McCain. (...)

À l'écoute

Le nouveau président, dit-on, veut être à l'écoute. Il devra alors prêter une oreille attentive à ceux qui vont lui demander de clarifier ses positions dans certains dossiers et de se montrer pragmatique sur d'autres. Le Canada, en particulier, attend de Barack Obama des explications sur sa position envers le libre-échange, un accord qui nous favorise, mais que les démocrates semblent toujours vouloir remettre en question. Tout indique que Stephen Harper sera le premier chef de gouvernement à rencontrer le nouveau président, et espérons qu'il aura des choses à lui dire.

Dans ses relations avec la Russie, la nouvelle administration devra éviter la rhétorique de guerre froide que nous avons entendue pendant la crise géorgienne cet été et renouer avec un partenaire essentiel pour la sécurité mondiale. Il faut aussi écouter les Russes et savoir jusqu'où on peut aller sans les humilier. Les Géorgiens ne seront pas heureux, mais plusieurs ici reconnaissent que le temps est venu pour leur gouvernement de retrouver le sens des réalités et de rétablir le dialogue avec Moscou.

Le grand Proche-Orient - c'est-à-dire les questions de la paix israélo-palestinienne et de la paix israélo-syrienne, les guerres en Irak et en Afghanistan, la situation au Pakistan - sera au premier plan de l'ordre du jour international du président lorsqu'il assumera le pouvoir le 21 janvier prochain. Cette région de crises a éreinté bien des présidents avant lui, et les solutions ne s'imposeront pas immédiatement. Toutefois, Obama peut compter sur une formidable équipe de conseillers pour l'épauler et pour, enfin, écouter tous les points de vue.

Barack Obama et son entourage ne reconnaissent pas encore dans le système international actuel un monde multipolaire. Cela n'a pas d'importance, car la réalité, elle, s'impose jour après jour: d'autres puissances émergent lentement et le multilatéralisme est devenu incontournable. L'exercice du pouvoir et la complexité des problèmes amèneront la nouvelle administration démocrate à en prendre acte.

Barack Obama est un novice en affaires internationales. Il fera face à des épreuves et plus rapidement qu'on ne le croit. Il risque aussi de décevoir, tant il a suscité des attentes démesurées. Tout cela est vrai et viendra à son heure. Pour l'instant, fêtons sa victoire. Le soleil vient de se lever sur l'Amérique et sur le monde.

L'auteur (j.coulon@cerium.ca) est directeur du Réseau francophone de recherche sur les opérations de paix, affilié à l'Université de Montréal. Il séjourne à Tbilissi (Géorgie) grâce à un financement du Centre Pearson pour le maintien de la paix.