En raison de la pire année de rendements boursiers depuis 1937 et d'une deuxième campagne électorale provinciale en moins de deux ans, la Caisse de dépôt et placement du Québec se retrouve malgré elle plongée au coeur des débats politiques.

L'ADQ exige la publication des rendements de la Caisse en cette période difficile. Le PQ veut quant à lui redonner une saveur plus interventionniste à la Caisse en lui imposant d'acheter pour 10 milliards d'actions d'entreprises québécoises. Dans les deux cas, l'intention est bonne et interpellera la population. Sur le plan financier, toutefois, ces mesures trahissent une incompréhension de la nature même de l'investissement.La Caisse de dépôt gère un des portefeuilles les plus importants en Amérique du Nord avec des actifs évalués à 155 milliards de dollars en 2007. Au Canada, l'Office d'investissement du Régime de pension du Canada (123 milliards d'actifs), Teachers (109$G) et OMERS (52$G) représentent les autres acteurs importants. Aux États-Unis, la caisse de retraite Calpers, de Californie, gère des actifs de plus de 233 milliards. Il va sans dire que lorsqu'un de ces acteurs majeurs décide de modifier sa stratégie, la discrétion est souhaitable. La publication de la performance 2008 de la Caisse dès maintenant, comme le réclame l'ADQ, aurait deux conséquences négatives.

Premièrement, la Caisse de dépôt serait désavantagée si elle devait ouvrir son jeu à cette période cruciale de l'année. Ses pairs n'ont pas à le faire de toute façon.

Deuxièmement, la demande de l'ADQ entretiendrait davantage la culture du court terme, un des pires fléaux du placement. Est-ce qu'on aurait eu la même idée si la performance s'annonçait positive?

Toutes les caisses de retraite subiront une contraction de leurs actifs en 2008 en raison de la baisse de plus de 30% des indices boursiers cette année et d'une faible contribution des actifs obligataires. Les meilleurs gestionnaires feront mieux que les indices de référence mais leur performance sera négative quand même. Comme l'horizon de placement d'une caisse de retraite est assez long, il faut éviter de mettre tout l'accent sur les 12 derniers mois désastreux (pour les marchés) et reconnaître que les actifs nets des déposants de la Caisse ont augmenté de 90% depuis le tournant du millénaire (81$G en décembre 1999). Lorsque la performance de 2008 sera publiée en février 2009, il sera alors opportun de discuter du rendement en connaissance de cause (puisqu'on connaîtra aussi la performance des autres caisses de retraite).

Économie mondiale

Comme le PIB du Québec ne représente qu'une fraction du poids de l'économie mondiale et que la Bourse canadienne ne compte que pour 3% de la capitalisation boursière de la planète, il est impensable que la Caisse de dépôt combine des objectifs de performance avec des contraintes d'investissement intérieur (surtout quand intérieur veut dire le Québec).

L'appui aux entreprises québécoises en croissance est assuré par des fonds de capital de risque locaux et les entreprises les plus prometteuses attirent également l'attention des investisseurs étrangers. Mais du moment où on aspire à jouer dans la cour des grands, et à profiter du marché mondial, un interventionnisme généralisé n'est pas souhaitable. Une économie de marché, malgré ces imperfections, reste préférable à une économie dirigée. Il faut donc éviter de retourner en arrière et s'assurer que le mandat de la Caisse reste indépendant du parti au pouvoir et de ses idéologies.

Comme les libéraux ont décidé de nous lancer dans cette course électorale, il leur revient de remettre les pendules à l'heure et d'orienter les discussions vers des enjeux plus pertinents. Le Québec mérite un gouvernement qui fait fi du court terme et établit un plan de match à long terme, une recette qui augmente les chances de succès dans le monde du placement. L'ADQ, le PQ et le PLQ devraient laisser la Caisse tranquille et penser à long terme.

L'auteur est stratège financier à Scotia Capitaux.