Au décès de Sir John A. Macdonald, son principal adversaire politique a remarqué «... sans aucune exagération... la vie de Sir John Macdonald, du moment où il est devenu député, est l'histoire du Canada».

Les paroles de Sir Wilfrid Laurier représentaient alors l'opinion unanime des Canadiens, et le temps qui passe n'a guère changé la place éminente qu'il occupe dans notre histoire. La définition puissante que le «vieux chef» a donnée à la nation demeure toujours aussi valide: «Que nous soyons Anglais ou que nous soyons Français, mais que nous soyons toujours loyaux, et surtout, que nous soyons Canadiens.»

 

Aujourd'hui, les gens du monde entier songent à devenir citoyens de notre nation. En 1867, les perspectives étaient plus sombres. Trente années après un effort sans succès d'établir une union, quatre millions de Canadiens se trouvaient éparpillés sur un territoire vaste et décousu.

Macdonald est venu forger un but solidaire et, ce faisant, il a brisé l'impasse politique qui sévissait après six gouvernements échoués en autant d'années. Lord Durham n'y entrevoyait que «deux nations en guerre au sein d'un seul et même État». La vision improbable de Sir John A. était celle d'un pays prospère et uni qui s'étendait de l'Atlantique au Pacifique.

Sir John A. voyait la Confédération comme étant sa plus grande réussite. Mais ce n'était là qu'un début. La Confédération a ouvert la voie à de nouvelles provinces, à de nouveaux immigrants, et à une nouvelle prospérité. Il a mis en place un système de gouvernement basé non pas sur l'idéologie sectaire, mais plutôt sur la tolérance et sur la liberté individuelle.

Tensions politiques et régionales

Les mêmes tensions politiques et régionales que l'on connaît aujourd'hui faisaient partie de sa vie quotidienne. Le premier Parlement canadien avait une délégation néo-écossaise dont tous les 18 membres, à une exception près, tenaient à quitter la Confédération. Beaucoup des gens au Nouveau-Brunswick restaient sceptiques et Terre-Neuve refusait carrément de s'y joindre. Au Québec, on craignait de perdre la langue, la culture et le système de droit civil.

Mais Macdonald l'a emporté. Premièrement, il a réussi à maintenir la cohésion et l'unité de son parti. Deuxièmement, il a rassemblé autour de lui une équipe d'anciens adversaires, d'antagonistes régionaux et d'ennemis personnels, unis alors par une vision commune, dans l'espoir de refléter la nation qu'il essayait de bâtir.

Sir John A. a été un homme politique coriace, puissant et partisan, mais toutes ces qualités étaient au service d'une vision du Canada à la fois généreuse et ouverte. Il a nommé au cabinet Joseph Howe, chef du bloc séparatiste néo-écossais. Il comprenait et respectait la majorité francophone au Québec. Il ne manquait jamais d'écouter et d'accommoder. Pendant les périodes sombres et dures de son grand âge, il trouvait son énergie dans le parti qu'il avait créé, qui demeurait uni et confiant, son bastion politique.

Pendant mon mandat comme premier ministre, j'ai visité le tombeau tout simple de Sir John A. à Kingston, au centenaire de sa mort en 1891. Je me souviens de l'émotion que j'ai ressentie alors à la vue des uniformes rouge vif de la garde du fort Henry, symboles de la richesse de notre histoire commune.

À ce moment-là, je me suis demandé, et je me demande encore aujourd'hui, comment mieux commémorer les efforts de Macdonald, de Laurier et des autres nobles hommes et femmes qui ont fondé notre pays. Les anniversaires de Macdonald et de Laurier figurent maintenant officiellement sur le calendrier canadien, tel que voté par le Parlement, mais nous leur devons beaucoup plus, à eux comme à notre pays. Nous devrions commencer par instaurer chez nos enfants un amour et une appréciation approfondis de ce Canada que ce Macdonald de Kingston a consacré sa vie à bâtir.

M. Mulroney a été premier ministre du Canada de 1984 à 1993. Il a écrit ce texte à la demande de l'Institut du Dominion. Afin d'améliorer la connaissance et l'appréciation des deux grands bâtisseurs du Canada, l'Institut du Dominion a créé les Journées Macdonald-Laurier et le site web www.macdonald-laurier.ca.