Trois chefs, trois discours, trois personnes aguerries qui se renvoient la balle pendant 120 minutes. Qui a gagné? Qui a perdu? Le débat des élections 2008 a été un match nul parce qu'aucun n'a réussi à marquer des points de façon décisive et qu'aucun n'a trébuché.

Pour les téléspectateurs, les chefs se sont livré un combat de chiffres souvent cacophonique. Qu'il s'agisse du thème de la santé, de l'économie ou de l'éducation, que l'on considère les données budgétaires, fiscales ou celles relatives aux ressources humaines, tout cela a dû laisser pantois bien des citoyens. La surcharge d'informations, la complexité des dossiers et la gravité des enjeux ont pu en assommer beaucoup. Comment est-il possible de donner raison à l'un ou à l'autre sur les dossiers spécifiques? C'est quasi impossible.

 

Le jeu du ping-pong s'est également imposé quant aux périodes considérées: les mandats péquistes et libéraux ont été tour à tour revisités. Continuellement, Jean Charest et Pauline Marois trouvaient dans le passé lointain ou récent de leur vis-à-vis un moment qu'ils qualifiaient de «désastre». Chacun s'attribuait des bons coups et imputait les mauvais coups à ses adversaires. Bien malin le citoyen qui pourrait attribuer avec certitude un trophée à l'un ou l'autre des chefs sur la base de son argumentaire.

On ne le dira jamais assez, les trois n'ont eu qu'une seule carrière, celle de la politique. Le débat fut donc un débat de politiciens avec tous les effets de rhétorique attendus: esquives, fuites, répétitions, amplifications, ou interrogations bien lancées. En regardant cette joute, bien des citoyens ont peiné à suivre la balle que se renvoyaient les trois chefs.

Que retenir?

Qu'est-ce que les citoyens vont retenir? Comment cela va-t-il influencer le vote? Il est fort possible que les citoyens recherchent dans le non verbal ce qu'ils n'ont pu trouver à travers le contenu. L'attitude servira peut-être davantage de clé interprétative que les flots tourmentés des arguments avancés.

Dans le cas de Mario Dumont, chacun a dû remarquer une absence de document devant lui, une propension à sourire, parfois à ricaner. Il n'avait rien d'un homme terrassé par les résultats des derniers sondages ou les menaces qui planent sur l'existence de son parti. Il a su prendre sa place avec aplomb, dépasser les difficultés de sa campagne électorale. Somme toute, il s'en tire bien, même fort bien compte tenu des attentes.

Pauline Marois, bien qu'elle en fut à son premier débat, a su performer, répliquer, répéter: «M. Charest, vous dites n'importe quoi.» On ne peut lui reprocher aucun manque d'énergie, ni de répartie. Point de snobisme, ni de cafouillage, bien au contraire!

Quant à Jean Charest, il s'est montré parfois affairé avec ses papiers; il a quelque peu trébuché dans ses mots et ses chiffres, mais somme toute il a gardé le cap défendant son bilan et maintenant les lignes maîtresses de sa plateforme. De ce point de vue, il a peu perdu, sans pourtant faire de gains majeurs. Et compte tenu de sa situation dans les sondages, son équipe est certainement satisfaite de sa prestation générale.

L'auteur est professeur de sciences politiques et directeur de l'École de politique appliquée de l'Université de Sherbrooke.