On a entendu toutes sortes de choses ces dernières années, comme «Montréal ville de festivals», «Montréal, ville culturelle». Y a-t-il une véritable volonté politique pour que la culture soit prioritaire à Montréal? Quels moyens sommes-nous prêts à mettre collectivement pour que Montréal soit reconnue comme telle?

Comment la classe politique fait-elle pour accepter un projet audacieux? La réponse est simple, elle les rejette. Fini le temps où un René Lévesque pouvait décider de donner une chance à un Guy Laliberté pour créer le Cirque du Soleil. Cela serait impossible de nos jours, car il faut d'abord prouver la rentabilité d'un projet alors qu'il en est au stade virtuel. Soulignons que tous les grands événements culturels de Montréal sont nés, à quelques années d'intervalle, de la volonté d'individus qui ont voulu faire quelque chose qui les passionnait. S'il avait fallu commencer par des études de faisabilité et mettre tout le monde d'accord, rien n'aurait levé de terre.

Le problème que nous avons avec le corps politique actuel (et cela est vrai pour les trois niveaux de gouvernements), est qu'on ne peut avancer que par «consensus». Ainsi, au fédéral, on a récemment justifié les coupures au nom d'une majorité de la population. Poussons la logique: si on demandait l'accord de la population générale pour financer les institutions culturelles de base que toute grande ville doit avoir comme l'opéra, les orchestres symphoniques, les théâtres et certains musées, il y a fort à parier que la majorité refuserait en prétextant qu'elle n'y va pas. Or, ce qu'on demande aux élus, ce n'est pas cette démagogie perpétuelle qui nous mène vers l'immobilisme et le plus bas dénominateur commun, c'est d'amener la population vers l'excellence en tirant par le haut, ce qui signifie prendre des décisions parfois audacieuses, même si elles ne plaisent pas à tout le monde.

Parallèlement à cette recherche perpétuelle du consensus, on a assisté à une augmentation considérable des procédures bureaucratiques. Le programme «Routes commerciales» qui a été coupé par le gouvernement fédéral, coûtait 9 millions de dollars aux contribuables, mais seulement un montant 2 millions était distribué à divers organismes et initiatives culturelles partout au Canada. La différence de 7 millions servait à alimenter la bureaucratie. En fait, la ministre Verner avait raison de dire que cela coûtait cher, mais elle a oublié de dire que c'était l'administration de ces programmes qui coûtait cher et ce n'était pas la faute des organismes culturels. Parions que la bureaucratie restera en place après les coupures et en supprimant ces programmes on aura jeté le bébé à la place de l'eau du bain. (...)

Montréal face à une concurrence redoutable

La vérité est que Montréal doit faire face, aussi bien sur le plan national qu'international, à une concurrence redoutable. Au plan national, Québec et Toronto sont des capitales provinciales et ce sont deux villes qui sont courtisées à coup de gros cadeaux en périodes d'élections.

Personne ne se culpabilise à Québec d'avoir dépensé 85 millions de dollars en subventions, plus 9 millions en revenus autonomes, pour les festivités du 400e. Bizarrement, la sacro-sainte règle qui exige des événements un pourcentage élevé de revenus autonomes par rapport aux subventions, ne s'applique pas dans ce cas-ci et on parle de «bilan positif sur le plan financier».

Un sondage de Léger Marketing vient d'évaluer les dépenses des touristes qui viennent au Festival des Films du Monde à 21 millions de dollars pour un montant 20 fois moindre en subventions. Pendant ce temps, l'aide étatique aux autres festivals de films importants dans le monde a considérablement augmenté et de nombreuses villes se positionnent comme villes de festivals, en mettant les moyens financiers qu'il faut. Le nouveau festival de Rome est 22 fois plus subventionné que le FFM, et pourtant cette ville a déjà maints attraits culturels et touristiques. Ne parlons pas de Cannes (30 millions) ou Berlin (27 millions)... Il ne suffit pas de clamer que Montréal est une ville de festivals, car plusieurs villes peuvent prétendre au même slogan. Ratisser un monticule de terre pour faire une «place des festivals» est un effort louable, mais ce n'est pas en subventionnant de façon sous-tiers-mondiste les événements comme le FFM qu'on fera de Montréal une grande ville de festivals. (...)

L'auteure est directrice générale du Festival des films du Monde.