La gouverneure générale, Michaëlle Jean, aura à faire face à un choix très déchirant lundi prochain: elle peut déclencher des élections dont personne ne veut ou bien elle peut donner son aval à un gouvernement minoritaire instable qui demeurerait au pouvoir selon les caprices d'un parti voué à la destruction du Canada. Heureusement, il existe un moyen de se tirer d'impasse. Elle n'a qu'à dire non.

De nombreux commentateurs soutiennent que la gouverneure générale n'a en fait aucun choix; si le gouvernement conservateur de Stephen Harper perd la confiance de la Chambre des communes, il doit démissionner. À ce moment-là, Mme Jean doit convoquer le chef de l'opposition officielle pour voir s'il est prêt à former un gouvernement. Si M. Dion a été en mesure de créer une coalition avec le NPD, et si les deux partis peuvent céder aux demandes de rançon du Bloc québécois, alors M. Dion deviendrait premier ministre.

Cet argument en faveur du déterminisme constitutionnel voulant que la gouverneure générale ne soit qu'un robot et contrainte d'agir d'une façon particulière ignore le fait qu'elle dispose d'une certaine discrétion, d'où découlent l'aspect formidable de son poste et la difficulté de son choix. Nous n'avons pas de formule constitutionnelle rigide parce que nous savons qu'en certaines circonstances, l'intelligence et le jugement doivent intervenir. Il ne fait aucun doute que la situation actuelle constitue l'une de ces circonstances.

La tâche de la gouverneure générale est de s'assurer, au meilleur de ses capacités, que le Canada dispose d'un gouvernement capable de gouverner dans les intérêts de la nation, selon les circonstances du moment. Dans l'éventualité où le gouvernement Harper perdrait un vote de confiance de la Chambre, son choix initial se résume à accepter l'inévitable demande du premier ministre pour de nouvelles élections ou à demander à M. Dion de former un gouvernement.

Temps économiques difficiles

Malheureusement, aucune de ces options n'est compatible avec le besoin d'un bon gouvernement dans des temps économiques difficiles.

Le Canada n'a pas besoin d'une autre élection moins de deux mois après la fin de la dernière campagne. Faire en sorte que le gouvernement fédéral soit au point mort pendant encore deux mois et puis recommencer à nouveau pourrait avoir des conséquences dévastatrices sur l'économie.

Toutefois, l'option d'une coalition PLC-NPD n'est guère mieux. Le problème ne tient pas à la nature des deux partis eux-mêmes, mais au fait qu'une telle coalition ne pourrait gouverner qu'avec le consentement du Bloc québécois. Par conséquent, chaque action de la coalition serait mesurée selon deux pierres de touche: transfère-t-elle suffisamment d'argent au Québec, «suffisamment» étant défini par le Bloc, et mène-t-elle à long terme à la destruction du Canada? Ce serait de la pure folie que de remettre chaque action du Parlement aux mains d'un parti voué à la disparition du Canada.

Heureusement, il existe une troisième voie, qui jouit d'un bon nombre de précédents constitutionnels. Ainsi, la gouverneure générale pourrait tout simplement refuser la démission de M. Harper, tout comme des premiers ministres et des ministres ont déjà par le passé refusé les lettres de démission de ministres du cabinet. La gouverneure générale pourrait soutenir que l'acceptation de la démission de M. Harper ne servirait pas les intérêts supérieurs du pays parce que cela conduirait à un choix entre deux solutions inacceptables.

De fait, la gouverneure générale demanderait à M. Harper de retourner négocier un plan économique capable d'obtenir le soutien de la majorité à la Chambre. Elle donnerait implicitement instruction aux partis d'opposition de faire en sorte que le Parlement fonctionne. Elle exercerait le pouvoir discrétionnaire que la Constitution a sagement mis entre ses mains. Elle dirait tout simplement non.

L'auteur est président du conseil et PDG de Canada West Foundation, groupe de recherche en politique publique de Calgary.