Le monde vit aujourd'hui une crise très grave dont les répercussions sont profondes et nous affecteront tous. Cette crise, qui a pris naissance il y a quelque 18 mois dans le marché immobilier résidentiel et au sein du système financier des États-Unis et de certains autres pays, a durement touché l'économie réelle. La croissance s'est arrêtée, les pertes d'emploi se sont multipliées.

L'impact de la crise ne se fait pas sentir dans un ou quelques pays, mais partout sur la planète en raison de la mondialisation du système financier et économique. J'ai tendance à croire que la crise sera longue parce que c'est le fondement même du système qui a été touché: la confiance. La confiance a été si gravement minée qu'à mon avis, il faudra beaucoup de temps avant qu'elle ne se rétablisse.

 

Pas étonnant que les gens soient préoccupés. On n'a qu'à dresser la liste, même partielle, des institutions qui ont été ébranlées: Lehman Brothers, Citigroup, Wakovia, Washington Mutual, AIG, Merrill Lynch, et bien sûr Fannie May et Freddie Mac.

Entre le deuxième trimestre de 2007 et janvier 2009, la capitalisation boursière de Citigroup est passée de 255 milliards US à 19 milliards; celle de la Royal Bank of Scotland a chuté de 120 milliards à 4,6 milliards; et celle de la Deutsche Bank est passée de 76 milliards à 10 milliards. Quand de grandes sociétés comme celles-là, jouissant d'une excellente réputation, semblent tout à coup aussi fragiles que des châteaux de cartes, personne ne peut se croire à l'abri.

À l'heure actuelle, il est clair que la situation est extrêmement difficile. Et comme c'est toujours le cas lorsque l'économie se porte excessivement bien ou mal, les gens ont l'impression que la situation va durer.

Ce pessimisme est compréhensible. Comment réagir autrement quand on constate la vitesse à laquelle la crise s'est répandue, l'impact dévastateur qu'elle a eu sur un grand nombre de nos institutions financières, et l'échec des systèmes de gestion des risques auxquels tout le monde faisait confiance?

(...)

La solution passera inévitablement par l'efficacité des politiques monétaires, fiscales et économiques déployées par les gouvernements partout dans le monde. Les États se sont publiquement engagés à oeuvrer de manière coordonnée afin de prendre toutes les mesures nécessaires à la stabilisation des marchés financiers et au retour de la croissance.

Néanmoins, une incertitude considérable demeure quant au temps qu'il faudra à ces mesures pour produire les résultats souhaités.

Au Canada, les politiques économiques mises en place au cours des 15 dernières années - la discipline fiscale, une compétitivité accrue, une inflation basse - ont placé notre pays en meilleure position que la plupart des autres pays développés pour traverser la tempête sans s'échouer.

Il ne fait pas de doute que le marché, de concert avec les gouvernements, au sein d'un système de libre-échange mondial, demeure le meilleur moyen de produire et de distribuer des biens et des services. Le meilleur moyen, aussi, d'améliorer les conditions économiques et sociales de la population de la planète. Les solutions à la crise actuelle doivent reposer sur ces forces et écarter les mesures, protectionnistes ou autres, qui les contraindraient.

Enfin, l'impression que les marchés du crédit et des capitaux sont gelés et qu'il ne se passe rien d'encourageant doit être nuancée par la prise en compte des faits suivants:

- les taux d'intérêt et les écarts de taux sont à la baisse;

- les coûts de l'énergie sont également à la baisse;

- malgré la morosité actuelle, plusieurs entreprises ont été en mesure d'obtenir de nouveaux capitaux. Seulement au Canada, le secteur financier a levé plus de 15 milliards sous forme d'équité et d'actions privilégiées, une indication claire qu'une certaine confiance subsiste.

La confiance va revenir lorsque la conjoncture économique le justifiera. Cela va finir par arriver, j'en suis convaincu, même s'il faudra peut-être plus de temps que lors des précédentes récessions.

Compte tenu de toutes les incertitudes, j'estime qu'il vaut mieux se préparer à un ralentissement prolongé de l'économie que de voir l'avenir avec des lunettes roses. Il ne s'agit pas d'être pessimiste mais lucide et prudent, et d'agir en conséquence. Si par bonheur la crise est plus brève que ce à quoi nous nous étions préparés, nous nous en sortirons mieux encore.

La confiance sera renforcée par le retour à des pratiques d'affaires et d'investissement saines. Il faudra que le monde des affaires réalise que c'est avant tout de son propre comportement dont dépend une réglementation adéquate. Les entreprises ne doivent pas abdiquer cette responsabilité au seul gouvernement. Ce dernier, quant à lui, doit s'assurer qu'une réglementation rigoureuse est en place et appliquée de façon efficace. (...)

L'auteur est président et co-chef de la direction de Power Corporation. Ce texte est extrait de l'allocution qu'il a prononcée hier à Québec, à l'occasion du Déjeuner des chefs d'entreprise du Carnaval de Québec.

 

»Profondément attachés au Québec»

(...) Né en Ontario, mon père s'est installé au Québec au début des années 60. Depuis, tout en étendant nos activités en Europe et en Asie, nous avons gardé notre siège social, notre demeure et notre coeur ici, au Québec.

Parce que nous sommes profondément attachés à cette terre et à la présence française en Amérique, parce que nous sommes convaincus que le Québec continuera d'être, avec le reste du Canada, un havre de prospérité, d'ouverture, de démocratie et de paix, nous appuyons de notre mieux ses universités, ses institutions culturelles, ses établissements de santé et de recherche. Ce faisant, nous constatons chaque jour combien le Québec compte de gens talentueux, dynamiques, dévoués.

Pour le Québec comme pour le reste du pays et de la planète, la période actuelle est difficile. Mais je sais que grâce à tous ces gens, à la compétence, à la créativité et à l'énergie des Québécois, nous allons sortir de cette crise plus forts que jamais, prêts à conquérir le monde.