L'échafaud est prêt. Les coupables de la déconfiture de la Caisse de dépôt et placement du Québec ont été identifiés. Ils seront pendus haut et court sur la place publique. Le jugement est sans appel.

Ça paraît peut-être caricatural de s'exprimer ainsi, mais c'est presque la réalité. C'est d'ailleurs là un des problèmes inhérents à la gestion d'une société d'État. Si le gestionnaire fait un travail remarquable, l'opposition se doit de le critiquer, car il fait bien paraître le gouvernement en place. Et si le travail du gestionnaire est discutable à certains égards, c'est le gouvernement en place qui le laisse tomber, faisant de lui un bouc émissaire. Ça évite des problèmes aux politiciens.

Cela étant dit, les résultats de la Caisse pour l'année 2008 sont plus que décevants avec un rendement qui, selon les informations publiées dans les médias, est d'environ huit points de pourcentage inférieur à la moyenne d'autres institutions comparables. Mais on passe trop facilement sous silence que, pour les cinq années précédentes, le rendement de la Caisse a été, de façon générale, supérieur à ces autres institutions comparables. Et ça, on l'oublie vite.

Loin de moi l'idée de vouloir justifier l'ensemble des décisions prises par la Caisse, notamment en ce qui concerne le papier commercial. La planète entière s'y est fait prendre mais la Caisse en avait trop acheté, compte tenu de son mandat et de son statut de bon père de famille. Mais il serait injuste envers les dirigeants de la Caisse, anciens comme nouveaux, de les juger uniquement sur les résultats de l'année qui vient de se terminer. Aucune institution financière ne pourrait résister à un jugement à si court terme. Pire encore, aucune institution financière ne voudrait prendre de risque au cas où un placement tournerait mal.

Dans l'ensemble, mis à part certains accrocs, la Caisse a bien fait depuis sa création et ce n'est pas en amochant sa réputation qu'on va améliorer les choses. Je vois d'ici les demandes de commission spéciale d'enquête, de commission parlementaire. J'entends les hauts cris sur les augmentations potentielles de nos cotisations. Tout ça se passe malheureusement dans un contexte politisé jusqu'au bout des doigts. Il est temps de respirer par le nez et de ne pas jeter le bébé avec l'eau du bain. Ce qui a le plus affecté les résultats de la Caisse a également affecté tout le monde. Il s'agit évidemment des baisses de toutes les Bourses sur la planète. On sait que certaines ont perdu plus de la moitié de leur valeur. La pire chose à faire quand cela se produit est de paniquer et de vendre à perte nos avoirs. La Caisse est renommée pour avoir des gestionnaires hors pair et il ne faut pas les assommer et les empêcher de prendre certains risques calculés. Il y a évidemment des correctifs à apporter, mais c'est le long terme qui compte.

La récession actuelle fait mal, même très mal. Mais on sait tous que les Bourses vont rebondir en 2009, en 2010 ou en 2011. Et à ce moment-là, la Caisse, tout comme les autres institutions financières comparables, va être en mesure de reprendre une bonne partie, sinon la totalité des pertes encourues en 2008. C'est comme cela que le marché financier fonctionne. On connaît habituellement une récession par 10 ans. La seule différence vient du fait que celle d'aujourd'hui est la pire depuis les années 30, qu'elle est mondiale et qu'elle fait mal à la confiance.

Si j'étais un gestionnaire de la Caisse, j'aurais pourtant un plaisir fou à analyser toutes les occasions créées par la situation actuelle. C'est bien meilleur pour le moral, et pour l'avenir de la Caisse, que de passer son temps à regretter certaines décisions du passé. On dit souvent qu'au baseball, ceux qui ne vont pas au bâton ne se font pas retirer sur trois prises. C'est vrai, mais ils ne frappent pas de circuits non plus. On ne gagne pas souvent en jouant peureux. La Caisse mérite mieux!

Après avoir occupé différents postes de direction dans le commerce de détail pendant près de 40 ans, notamment à la SAQ, l'auteur est aujourd'hui copropriétaire de plusieurs entreprises, dont Publipage Inc.