Grâce à la réserve actuelle de 2,3 milliards, le gouvernement bouclera probablement son budget pour l'exercice 2008-2009. En revanche, à la suite de la détérioration rapide des conditions économiques et d'une chute importante des revenus budgétaires, l'année 2009-2010 se soldera plutôt par un déficit conjoncturel de plus de 3 milliards. En fait, les deux prochains exercices montreront un déficit d'une ampleur qui risque d'en faire frissonner plus d'un. Pour reprendre une image connue: la «sacoche» est percée!

Il faudra davantage que le plan des infrastructures actuel pour relancer l'économie. En plus des sommes injectées par le fédéral, ce sont 1,5 milliard supplémentaires qui seraient nécessaires. On se rapprocherait alors d'un déficit de près de 5 milliards, soit 1,7% du PIB nominal, tout près du record de 5,8 milliards de l'exercice 1994-1995 et qui représentait alors 3,4% du PIB. On est loin du ratio de 12,3% des États-Unis pour 2009, mais ces chiffres font néanmoins frémir.

 

Le gouvernement du Québec doit stimuler rapidement l'économie. Si aucune intervention n'est faite, il faudra plus de temps pour se remettre de la récession. Les conséquences sont claires: un taux de chômage plus élevé, plus longtemps, avec des impacts sociaux importants. On devra mettre les bouchées doubles pour rétablir l'équilibre des finances publiques parce qu'il faudra ramer à contre-courant.

La population vieillit et les soins de santé exercent des pressions plus fortes sur les dépenses. Le potentiel de l'économie ralentit, affectant négativement les rentrées fiscales. Dans ce contexte, il est plus risqué de ne pas en faire assez pour relancer l'économie que d'en faire trop. Si la plupart des pays industrialisés ont vu l'urgence de mettre sur pied des plans de stimulation économique, comment le Québec pourrait s'en passer sans conséquences graves à court et moyen terme sur l'économie?

La Loi sur l'équilibre budgétaire forcera le gouvernement à présenter un plan financier pour effacer les dépassements sur une période de cinq ans. Cette loi est contraignante lors d'une période de crise majeure. Le gouvernement a donc quelques réticences à adopter un plan de stimulation qui augmente ses dépenses à court terme. Il s'impose d'importantes contraintes. Cependant, il faut se rappeler que cette loi a été créée pour éviter les déficits chroniques et elle doit demeurer.

Une révision de la tarification des services publics n'est pas non plus une solution aux déficits. Il faut maintenir la relation économique entre le coût des services offerts et les tarifs exigés. On ne doit pas donner l'impression à la population qu'on augmente la tarification pour régler le problème du déficit.

Quant au Fonds des générations, les redevances sur l'eau ont été mises en place spécifiquement pour l'alimenter et réduire la dette et non pour faire face aux cycles économiques. Ouvrir la porte à l'utilisation de ce fonds pour d'autres fins serait un dangereux précédent.

Il est donc temps de repenser complètement le rôle du gouvernement. Des choix s'imposent: ils seront douloureux mais inévitables. Il faut y voir aujourd'hui pour être prêt à réaliser les changements nécessaires lorsque la reprise pointera et que les conséquences du choc démographique prendront place.

Yves St-Maurice

L'auteur est directeur et économiste en chef adjoint aux Études économiques du Mouvement Desjardins. Il publie aujourd'hui un «Point de vue économique» sur l'état des finances publiques à quelques jours de la présentation du budget du gouvernement du Québec.