L'auteur est président-directeur général de l'Association de l'industrie électrique du Québec (AIEQ).

Qui tirera profit de la campagne d'obstruction qui se met en marche aux États-Unis contre l'achat d'hydroélectricité québécoise? Que certains groupes soient en désaccord avec l'exportation d'électricité est une chose. Qu'ils s'allient avec des groupes américains pour s'opposer à la vente aux États-Unis d'une électricité propre et renouvelable, et de surcroît sans émission de GES, en est une autre.

Rappelons que l'opinion publique dominante au Québec est favorable à l'accroissement de la production d'électricité et à l'exportation de nos surplus. En tant que Québécois, il nous revient donc de nous demander à qui profite l'opposition? Qui sera l'ultime perdant si cette campagne obtient gain de cause?

 

Les grands gagnants seront sans doute les producteurs de charbon et les compagnies d'électricité qui tirent leur énergie de centrales thermiques qui s'en alimentent. Les grands perdants seront les Québécois qui ne récolteront pas la richesse collective de la vente de leur hydroélectricité et qui, de surcroît, respireront un air contenant plus de polluants atmosphériques.

Le BAPE et la commission fédérale-provinciale d'examen conjoint viennent de rendre public un rapport d'enquête sur le projet hydroélectrique de la Romaine dans lequel ils rendent un avis favorable à sa réalisation. La commission conclut que le projet n'est pas susceptible d'entraîner des effets environnementaux négatifs importants, ceci étant conditionnel à la mise en oeuvre de mesures d'atténuation, de compensation et de suivi environnemental.

Ses recommandations reflètent la forte adhésion de la grande majorité de la population, pour qui l'amélioration durable de la qualité de vie passe par un accroissement des revenus provenant des exportations d'électricité. Pour la majorité des Québécois, la qualité de vie veut aussi dire une réduction des émissions de GES et de la dépendance sur le pétrole, et un accroissement de l'utilisation d'électricité du côté des transports collectifs et individuels.

Les commissions reconnaissent également l'avantage concurrentiel dont le Québec dispose pour profiter des occasions d'affaires sur les marchés d'exportation. L'augmentation continue de la demande de ces marchés devra être comblée par de nouvelles installations ou par des échanges. La construction de nouvelles centrales avec réservoir facilite l'intégration d'autres filières renouvelables intermittentes, comme l'éolienne, en permettant de fournir la puissance d'équilibrage requise pour pallier à la variabilité du vent, et ce, sans émission de GES.

Nos voisins américains reconnaissent la contribution exceptionnelle de la filière hydroélectrique à la stabilité des réseaux électriques. À preuve, un programme visant la remise en valeur de plus de 160 000 MW d'hydroélectricité est en cours. L'Europe n'est pas en reste. Elle entend accroître sa production hydroélectrique pour maximiser l'intégration éolienne et réduire le rythme d'implantation des centrales thermiques alimentées au charbon.

Bien qu'il soit important de poursuivre la lutte pour faire reconnaître notre hydroélectricité comme renouvelable au sud de la frontière, la situation présente ne limite en rien notre capacité d'exporter. Elle limite notre accès au marché des crédits de carbone et aux subventions pour les énergies renouvelables de nouvelle génération. Somme toute, l'étiquette «énergie verte» ne prend d'importance que si le Québec veut obtenir des subventions américaines pour la production d'électricité. Que les États-Unis résistent à rendre l'hydroélectricité du Québec éligible au marché des crédits en lui accordant le statut d'énergie renouvelable n'a donc rien de surprenant: règle générale les subventions sont destinées à l'industrie locale naissante et non à l'industrie mature des voisins.

Par contre, dans les États du nord-est américain, notre marché naturel d'exportation, l'hydroélectricité du Québec est considérée comme une source non émettrice de GES. Ainsi, les importations d'hydroélectricité permettent à ces États de réduire leurs achats de coûteux crédits de carbone pour respecter leurs quotas d'émissions de GES. Il y a donc là un marché colossal pour notre hydroélectricité. Nos voisins demandent une alternative à leur dépendance au charbon. L'exportation d'hydroélectricité québécoise est la solution de rechange et tous en bénéficieront, mis à part les lobbys du thermique.

L'AIEQ met donc en garde ceux qui seraient tentés de fossoyer l'économie du Québec en cherchant à freiner notre développement. Faire campagne chez nos voisins pour miner la crédibilité d'une industrie structurante pour le Québec - une industrie qui produit plus de 5% de son PIB - est, en cette période économique difficile, une véritable insulte pour tous les Québécois.