Les difficultés de la Caisse de dépôt et placement sont maintenant bien connues. La Caisse a eu des résultats financiers déplorables: un rendement négatif de 25% impliquant une perte de 39,8 milliards, dont 3,4 milliards dans ses placements en PCAA. Parallèlement, elle a vécu au cours de 2008 le départ prématuré de deux présidents. Récemment, les actions prises pour nommer un nouveau président ont soulevé une très vive controverse. L'avenir de la Caisse est encore matière à préoccupation. Trois grandes questions se posent.

Premièrement, l'implication de la Caisse dans le papier commercial adossé à des actifs (PCAA) demeure encore largement incomprise. Plusieurs questions importantes restent encore sans réponses. Qu'est-ce qui a amené la Caisse à détenir autant de PCAA? Quels étaient les liens entre la Caisse et Coventree? Qu'est-ce qui explique la défaillance du comité de direction nommé Comité déposants et risques et celle du Comité de gestion des risques du conseil d'administration?

 

Afin que les erreurs du passé ne se répètent pas, il faut bien les comprendre. Cette tâche demandera du temps, des ressources et des compétences. Il est peu probable qu'une commission parlementaire suffise à la tâche. Je pense qu'il faut donner un mandat propre au Vérificateur général du Québec. Le gouvernement mandatera-t-il le Vérificateur général pour faire toute la lumière sur les causes des pertes dans les PCAA?

Deuxièmement, le conseil d'administration, et en particulier son président, a un rôle crucial à jouer dans la gouvernance de la Caisse. Visiblement, le conseil d'administration qui était en place jusqu'en 2008 a sa part de responsabilité dans les mauvais résultats. Il est donc impératif de mettre en place un nouveau conseil d'administration fort et en qui les Québécois peuvent avoir confiance.

Malheureusement, la gestion du processus de nomination de M. Sabia soulève les plus grands doutes quant à l'aptitude du nouveau président du conseil. À mon avis, ce nouveau président a commis trois erreurs de jugement importantes. D'abord, il a omis de rencontrer le second candidat de la courte liste. Ensuite, il a accepté qu'un ancien collègue du candidat sous examen soit l'un des quatre membres du comité des ressources humaines chargé de faire une recommandation au conseil. Enfin, ses déclarations publiques ont totalement miné la crédibilité du processus et, par voie de conséquence, la sienne.

Tant de maladresse remet en question sa capacité à occuper le poste. Compte tenu de l'importance absolument capitale du poste de président du conseil, il faut impérativement qu'il soit occupé par une personne possédant un jugement sûr, une indépendance au-dessus de tout soupçon et, idéalement, une compétence reconnue dans le domaine du placement; sinon, il y a un risque significatif quant à la gouvernance. Ceci m'amène à poser la question: la Caisse a-t-elle un président du conseil à la hauteur de la fonction?

Troisièmement, la Caisse, telle qu'elle existe, représente pour ses déposants un important risque de concentration puisque tous leurs dépôts sont dans les mains de la même équipe de gestion. Les régimes publics de retraite devraient avoir la même possibilité et la même sagesse que les régimes privés, à savoir celles de partager la gestion de leurs actifs entre plusieurs gestionnaires de fonds différents et indépendants. Bref, le monopole de la Caisse sur ses déposants n'est ni sain ni souhaitable. Là comme ailleurs, la concurrence et la diversification ne pourraient qu'être bénéfiques.

Il faudrait donc envisager soit de scinder la Caisse, soit de créer un nouvel organisme public, soit de permettre aux déposants de confier directement la gestion d'une partie de leurs avoirs à des gestionnaires privés. Le gouvernement permettra-t-il aux déposants de réduire leur risque de concentration en autorisant une autre option, publique ou privée?

La Caisse a eu une gestion des risques défaillante. Cependant, certains risques liés à la gestion des fonds publics transcendent la Caisse et sont du ressort du gouvernement qui peut par ses décisions affecter le risque de gouvernance et le risque de concentration. Celui-ci a donc le devoir de faire les gestes qui minimiseront ces risques.

L'auteur est professeur de finance aux HEC de Montréal.