Cher Benoît, quand on s'est rencontrés, tu étais le petit nouveau, fraîchement «pontifié», un vent de fraîcheur sur le Vatican. Les boutiques de souvenirs n'avaient même pas achevé de faire fondre leurs vieux bibelots de Jean-Paul II que tu régnais déjà en prince de la chrétienté.

Quand je t'ai vu sur ton balcon doré, avec tes lunettes fumées EasyClip, j'ai pensé: des EasyClip! Seul un pape branché sur son temps peut arborer la technologie EasyClip. Malgré tes verres noircis, j'ai bien vu ton regard de braise. Des milliers de fidèles se prosternaient pour louanger ta bonté et ta grâce, mais toi, tu ne regardais que moi. Nous étions en parfaite communion, mon Benichou. Non. Pas d'attendrissement. L'heure n'est plus au minouchage.

 

Assieds-toi bien sur ton trône maintenant, car mon annonce va t'ébranler la soutane. Mon chéri, c'est décidé, je casse. Attends. Laisse-moi t'expliquer. Non, il n'y a personne d'autre. Non, Allah ne m'a pas séduite. La promesse de 100 000 vierges me laisse froide. Non, Lucifer ne m'a pas fait de l'oeil. Tu ne me trouveras pas dans ses bras velus quand tu iras le rejoindre en enfer. Ne cherche pas de larron à condamner. Le seul responsable de ta chute, mon Benichou, c'est toi.

Tu te souviens de ce matin de janvier, à Saint-Pierre de Rome? Il avait neigé sur la coupole de la Basilique. Ou était-ce les fientes de pigeons? Peu importe, puisque tes promesses de lendemains meilleurs m'ont enveloppé le coeur. Tes souhaits de paix dans le monde m'ont percé l'âme. À tel point que j'ai rejoint la queue leu leu de brebis indiscrètes souhaitant fouiner dans ta sainte demeure.

En espionnant ton royaume, j'ai vu comme tu avais fort bon goût; tout y était de marbre et d'or. Et pas de l'or cheap. De l'or de pape. Oh! Comme je t'aimais, mon chéri. Tu étais mon Obama blanc. J'étais la Yoko de ton John, L'ostie de ton tabernacle.

Mais voilà. Tu me jetas une première pierre avec l'histoire de cet évêque de tes amis: le négationniste Williamson. Comment as-tu pu me faire ça?!? Tu sais comme j'adore les juifs; j'ai le coffret complet de Seinfeld et tous les films d'Adam Sandler en Blue-ray. Heureusement, tu as su changer ta chasuble d'épaule. Hélas! les affronts ont continué. Tu affirmais protéger la vie. C'était ton argument dans l'affaire de la fillette brésilienne de 9 ans, avortée parce qu'enceinte de son beau-père. Ciel! Pourquoi as-tu abandonné la mère de l'enfant, les médecins salvateurs, et gardé près de toi l'infâme? N'as-tu pas l'esprit sain? «Qu'à cela ne tienne, je peux le changer!» me suis-je alors dit. La foi déplace les montagnes. Hosanna au plus haut des cieux!

J'aurais dû me douter que tu recommencerais. Toutes mes copines m'avaient prévenue. De simple méchant pape, tu t'es changé en assassin. En criant haut et fort que le condom était une mauvaise solution pour lutter contre le sida, là, je me suis dit: soit il est insensé, soit il est diabolique. D'une façon ou d'une autre, mon chéri, tu es dangereux. Y'a de l'aide pour ça. Appelle. Fais-le pour toi. Et pour tous ces gens qui mourront du VIH par ta faute. Fais-le pour les enfants africains qui naîtront condamnés. Ainsi soit-il.

Si Éric Lapointe est capable, pourquoi le représentant de Dieu sur Terre n'y arriverait-il pas? Retire-toi aux îles Turquoise avant qu'on ne s'en prenne à toi. Malheureusement, je ne serai plus là pour toi. Tu peux m'oublier, pour toujours. Et si jamais on se croise, je te prie de changer de trottoir.

André-Anne LeBlanc

L'auteure est étudiante à l'École nationale de l'humour.