Toutes les grandes sociétés d'investissements, d'assurances, de dépôts et de placements ont un «régulateur». Les Caisses populaires, les banques, les compagnies d'assurances sont surveillées par une autorité, tout comme le Fonds de solidarité et Fondaction. Cet encadrement, qui n'a rien à voir avec la vérification comptable, assure aux déposants le respect de certaines normes, en plus de constituer une surveillance indépendante des activités.

Lorsqu'une entreprise change de vérificateur externe, la réglementation des marchés prévoit qu'elle doit en informer le public et l'Autorité des marchés financiers. Cet avis accompagne une procédure du vérificateur évincé qui indique qu'il ne s'oppose pas et que ce changement n'est pas dû à un désaccord avec les dirigeants de l'entreprise. Le nouveau vérificateur doit aussi affirmer qu'il accepte le mandat sans problème. Advenant que ce changement soit le résultat d'un désaccord important entre l'entreprise et le vérificateur, l'AMF réagit sur l'heure et fait enquête sur les causes de ce changement.

 

D'autres situations peuvent aussi alerter les autorités réglementaires. Imaginons le cas d'une société qui viendrait de démettre à la fois son président du Conseil et les présidents de chacun des quatre comités du conseil, à savoir; vérification, ressources humaines, gestion des risques, gouvernance et éthique. Situation grave, il va de soi.

Illico, les autorités de l'AMF réagiraient et envahiraient les locaux de la société en question. Les actionnaires seraient très inquiets et la confiance serait ébranlée chez tous les intervenants; employés, clients, fournisseurs, etc. Savoir que les titulaires de tous ces postes stratégiques ont quitté est un fait, savoir pourquoi en est un autre plus important.

Ajoutons à ce cas théorique, une vacance de plusieurs mois au poste de président et chef de la direction et vous êtes face soit à une histoire d'horreur, soit à la situation actuelle de la Caisse de dépôt et placement du Québec.

N'ajoutons pas au concert de critiques entourant les récents choix gouvernementaux, mais suggérons au moins qu'une autorité compétente puisse avoir un droit de regard autant sur les procédures et politiques de la Caisse que sur son environnement de gestion et ses habitudes de divulgation.

Par exemple, est-il normal d'avoir «à la graine» les résultats détaillés de l'année 2008? On a su, le 25 février dernier, que le rendement global fut une perte de 25%. Les documents du discours du budget, déposés le 19 mars, indiquaient (en page D-25!) que deux déposants directement liés au gouvernement (Fonds d'amortissement des régimes de retraite, Fonds des générations) avaient obtenu des rendements de -25,6% et -22,4% respectivement. Puis, la semaine dernière, la CSST nous précisait que ses rendements furent de -26,8%. Qui suivra dans cette litanie qui ressemble de plus en plus au supplice de la goutte d'eau?

L'AMF, qui réglemente le secteur financier, devrait avoir droit de regard et de recommandation concernant la Caisse, surtout maintenant que toutes les lumières sur le tableau de bord se sont allumées en même temps. Cela aurait au moins le mérite d'assurer aux 25 déposants, qui représentent l'ensemble des Québécois, que la Caisse applique dans ses opérations et politiques des règles généralement reconnues.

Daniel Paillé

L'auteur est professeur de finance et éthique à HEC Montréal. Il a été ministre de l'Industrie et du Commerce du Québec de 1994 à 1996. Il a occupé aussi les fonctions de chef de la direction financière de plusieurs entreprises.