J'ai récemment fait la location à long terme d'un véhicule Toyota. Mon choix s'est porté sur une Matrix, notamment parce que cette voiture avait le mérite d'être entièrement construite au Canada et aussi parce qu'elle avait un système Bluetooth intégré. Sans être particulièrement protectionniste, je voulais encourager des travailleurs ontariens. Le système Bluetooth intégré au volant me promettait de ne plus me préoccuper de recharger et de manipuler le bidule dont je me servais.

Au moment de la livraison, j'ai constaté que le système de reconnaissance vocale de cette voiture était unilingue anglais et que je devais donner mes instructions en anglais. J'ai protesté auprès de Toyota Canada, mais on a ignoré ma requête. J'ai finalement expédié une mise en demeure à Toyota. J'ai demandé qu'on apprenne à ma voiture à me parler en français, ou à défaut qu'on me change cette voiture pour un modèle bilingue, ou encore qu'on annule la transaction.

 

Pour toute réponse, j'ai reçu un courriel de Toyota qui me confirme avoir construit cette voiture avec un système de reconnaissance vocale uniquement en anglais (au Canada!) et estime respecter toutes les lois du Québec: «Nous sommes désolés de ne pas être en mesure d'offrir le français pour le système Bluetooth destiné à la Matrix 2009. Notre logiciel a été conçu avec l'anglais pour seule langue d'exploitation sur ce modèle. (...) Nous pouvons aussi confirmer que notre examen des exigences linguistiques du Québec indique que nous sommes conformes à ces exigences. En conséquence, nous ne sommes pas en mesure de satisfaire à la demande exprimée dans votre lettre.»

Je suis aussi un homme passionnément francophone et passionnément fier de son identité. Je ressens donc cette vague émotion rebelle et nationaliste qui s'inquiète de ne plus être aussi manifestement fière et affirmée. Quand on veut nier mon droit à ma langue dans un Canada inclusif, c'est moi, et pas que ma langue, qui se révolte.

Il y a 30 ans, on aurait boycotté Toyota pour son mépris. Les plus malins me diront que le système Bluetooth n'existait pas! Je répondrai que certaines tiédeurs non plus! Il y aura 32 ans, le 26 août 1977, un certain gouvernement faisait adopter la Charte de la langue française.

Il y a 30 ans, un certain Camille Laurin aurait certainement pris la peine d'écrire très poliment à Yoichi Tomihara (PDG de Toyota) pour lui expliquer un certain impératif français. Il est faux de prétendre que tout est égal et que les choses ne s'entendent bien qu'en ouverture et en accommodements raisonnables. Et l'ouverture des autres à ma réalité, à ma fierté et à mon identité, où est-elle?

Quant à Toyota, se trouvera-t-il un Office de la langue française pour réagir, une société Saint-Jean-Baptiste pour s'indigner, un ministre pour causer du Québec avec Toyota?

Et trouvera-t-on un Canadien anglophone et partisan du vivre-ensemble inclusif canadien pour m'appuyer, me dire qu'il m'aime assez, comme à la veille d'un réferendum, pour affirmer que je mérite d'être respecté par une voiture construite au Canada? Ou un plus courageux qui me dira «speak white»! Comme semble le faire Toyota?

Non! Dans ma voiture vendue au Québec et construite au Canada, je refuse d'entendre une voix unilingue anglaise me faire la liste des options et jamais, au grand jamais, je n'accepterai de dire «call home». Chez moi, c'est en français. Je ne dirai pas non plus «redial» pour parler à des représentants de Toyota, but I will «call back».

Par fierté, même si personne ne me suit, et même si on me traite d'extrémiste et de nazi, j'assume pleinement et entièrement que le 26 août, ce sera clairement la fête de la langue française. Is that clear? Je profiterai de cette date pour déclarer mon petit boycottage personnel des produits Toyota. J'achèterai une Allemande qui me cause français! Tant pis pour les travailleurs ontariens!

L'auteur réside à Longueuil.