Que se passe-t-il au Québec pour que nous en soyons arrivés publiciser la destruction de nos dernières rivières comme étant du développement durable?

Eh bien c'est simple : des intervenants économiques se sont appropriés l'environnement, ils se sont donné des titres ronflants en créant de toutes pièces des comités et des fondations sous le pseudonyme de comités de développement durable et sont très actifs sur la scène médiatique. Hydro-Québec, en toile de fond, s'immisce dans ces organismes et finance ou octroie des contrats à ses collaborateurs qui, en échange, font la promotion de l'hydroélectricité.

Prenons simplement l'exemple de la Fondation québécoise du saumon atlantique qui, à chaque audience publique en environnement sur différents projets de barrage, donne son accord en soulignant l'importance de créer des comités de suivi pour la ressource saumon. Depuis quand le fait de détruire une rivière à saumon est-il devenu acceptable sur le plan environnemental? Et bien, il suffit de naviguer un peu sur le Web pour se rendre comte que dans l'organisation administrative de cet organisme, on aperçoit Hydro-Québec dans la liste des organismes dirigeants. Non seulement comme membre mais avec le statut de grand gouverneur. En plus de Genivar, Axor et d'autres intervenants pro-barrages ne se gênent surtout pas pour accepter la présidence de soupers bénéfice en faveur d'une collaboration avec la Fédération québécoise du saumon atlantique.

Parce que les barrages hydroélectriques ont des répercussions, multiples et irrémédiables.

Première conséquence: les barrages empêchent la libre circulation des poissons et organismes qui vivent dans les rivières et il n'existe pas de projet artificiel de montaison qui a fait ses preuves à long terme. De plus, les blessures et la mortalité des poissons qui passent dans les turbines peuvent atteindre 90%. Les barrages sont des filtres très efficaces qui empêchent les nutriments charriés par les crues saisonnières d'atteindre les milieux marins, appauvrissant ainsi la biomasse nourricière dans les estuaires composés de crustacés et d'organismes planctoniques.

Les barrages relèvent le niveau de base des systèmes érosifs et modifient l'apport sédimentaire des estuaires, des frayères et lieux de ponte. Les écoulements qui n'ont plus rien à voir avec des écoulements naturels, modifient le tri mécanique du sédiment à l'origine des lieux de ponte composés de gravière et colmatent ces importants lieux de pontes. Ces écoulements modifiés changent les courants à la sortie des rivières et modifient les courants marins en minimisant les crues saisonnières, remodelant ainsi le profil sédimentaire de l'estuaire et la distribution des nutriments dans les écosystèmes marins et estuariens. Résultat? Érosion sévère des littoraux en équilibre contigu aux sorties de rivières. En témoignent la rivière Sainte-Marguerite avec les barrages SM3, SM2 et SM1, à Pointe Lebel près de Baie Comeau.

Les gros projets inondent des centaines de kilomètres de territoire boisé, de tourbières, ruisseaux et écosystèmes très productifs. Des habitats d'oiseaux, de plantes, d'insectes disparaissent sous les flots.

Des milliards d'organismes vivants sont éliminés sous la logique du développement durable. Pour ce qui est du Co2, tout reste à démontrer et les conséquences sont incroyablement bien emmitouflées par des études orchestrées par les promoteurs eux-mêmes.

Rendez-vous compte, l'ensemble de l'industrie minière canadienne incluant les sables bitumineux a perturbé 3000km2 soit trois fois et demi moins que les seuls projets de la Baie James et Caniapiscau! On ne peut pas non plus oublier le méthyle mercure injecté dans la nature par le biais de ses barrages et menaçant la vie humaine et animale.

Le prochain défi du siècle est la préservation des derniers territoires vierges de la planète et le gouvernement actuel (avec Hydro-Québec) continue de détruire ce qui reste de notre patrimoine naturel.

Pour éviter cela, il faudra congédier les hauts dirigeants de la société d'État et remplacer les partis politiques actuels. Il faudra faire vite avant de perdre ce qui nous reste. A l'exemple de la forêt québécoise, les rivières vous crient à l'aide. Il faudra bien répondre.

Jacques Gélineau 

L'auteur est membre du conseil d'administration de Fondation Rivières. Il réside à Mingan.