Fred a été diagnostiqué schizophrène au début de la vingtaine, il y a plus de 10 ans. Tous les parents d'un enfant schizophrène pourraient témoigner des expériences incroyables, généralement difficiles, qui précèdent le diagnostic. Conformément au diagnostic, il a été considéré inapte au travail et il vit depuis ce temps de l'aide sociale.

Fred a été diagnostiqué schizophrène au début de la vingtaine, il y a plus de 10 ans. Tous les parents d'un enfant schizophrène pourraient témoigner des expériences incroyables, généralement difficiles, qui précèdent le diagnostic. Conformément au diagnostic, il a été considéré inapte au travail et il vit depuis ce temps de l'aide sociale.

Comme famille, nous avons quand même eu de la chance, parce que Fred a accepté de prendre sa médication depuis le tout début et n'a jamais cessé. Donc, pas de rechute. C'est dans son petit appartement, aux stores continuellement fermés, qu'il a commencé à suivre des cours à distance, financés par sa famille, qui lui ont permis de décrocher son diplôme au cégep après sept ans de persévérance et d'efforts. Sa motivation était de se rendre à l'université.

Supporté par ses parents et une équipe médicale compétente, Fred a réussi il y a cinq ans à quitter la Rive-Sud pour aller habiter à Montréal, et ainsi se rapprocher de l'université où il s'est inscrit à des cours du soir. Les parents de personnes atteintes seront en mesure de comprendre tout le cheminement qu'exige un tel changement pour une personne ayant une problématique de santé mentale. Gérer son budget, son épicerie, retrouver une autonomie, le déménagement, la recherche d'appartement compliquée par le fait que la personne reçoit de l'aide sociale... Il doit aussi vaincre les bains de foule en prenant le métro, l'autobus, faire partie d'un groupe malgré le fait qu'on a parfois l'impression que les gens parlent de nous, nous regardent, s'impliquer dans des travaux de groupe. Il y a aussi l'insécurité que le métro ferme, la crainte d'être en retard... Ce ne sont que quelques exemples qui compliquent la vie de ces personnes comparativement aux «autres».

Fred a réussi à passer à travers toutes ces étapes jusqu'en octobre dernier. Jusqu'à ce qu'il reçoive un appel de son agente d'aide sociale, qui lui dit tout bonnement qu'il doit rembourser tout près de 9000 $. Pourquoi? Il n'a pas fraudé, il n'a pas volé. Il s'est seulement inscrit trois fois à trois cours par session durant les 10 dernières années, sans savoir que c'était défendu, afin de finir plus tôt ses études et ainsi de pouvoir, comme toute personne normale, se retrouver sur le marché du travail avant d'être trop âgé.

Mais on lui a dit qu'il n'avait pas le droit à s'inscrire à plus de deux cours par session; même si ses tentatives se sont révélées négatives pour lui, à cause du stress que lui causaient trois cours en même temps, on lui a demandé de rembourser les prestations reçues pendant les périodes où il était inscrit à trois cours à la fois.

Devant les difficultés que représente pour lui cette situation, et malgré l'aide de son psychiatre, son travailleur social, sa psychologue et sa famille pour le soutenir... démotivation! Plus capable de suivre les cours auxquels il était inscrit à l'automne, il les a abandonnés, complètement démotivé à continuer les cours de la session d'hiver.

Pour une personne schizophrène, fonctionner au quotidien avec un stress semblable, avec l'obligation d'avoir à rembourser 100$ par mois avec un budget déjà très restreint, c'est effrayant. Et, en plus, se défendre face à cette bureaucratie demande énormément d'énergie et perturbe autant le sommeil que le quotidien.

Qui sont donc ces agents qui apprennent par téléphone à une personne atteinte de maladie mentale une mauvaise nouvelle de cette ampleur pour eux? Quelle est leur formation ou leur compétence pour agir de cette façon? Fred a quand même la chance d'être supporté par un bon réseau, mais qu'en est-il de beaucoup d'autres qui n'ont pas cette chance? Quel est l'impact d'un tel appel sur une personne ayant une problématique de santé mentale qui est complètement seule?

L'impact pour Fred? Par son zèle ou la structure administrative, une agente vient, par un seul appel téléphonique, de briser la vie d'un jeune adulte de 31 ans qui essayait de s'en sortir.