Selon La Presse, chaque année, des centaines de personnes sont démolies par Facebook ou un autre site web. On vole leur identité en créant un faux profil. On les salit. On diffuse des photos intimes contre leur gré. Craignez-vous d'utiliser Facebook, Twitter et autres médias sociaux? Faites-vous attention aux informations que vous y publiez?

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Stéphane Paradis, coach en estime personnelle

Définissons un cadre juridique

Du meilleur et du pire des médias sociaux, j'ai choisi de tirer avantage de ces outils qui, pour ma part, sont d'une grande utilité. D'un point de vue professionnel, Facebook et Twitter me donnent cette possibilité d'interagir avec mon réseau comme aucune autre plateforme ne me permet de le faire. Les problèmes peuvent survenir lorsqu'il y a débordement via leur utilisation personnelle ou sous le couvert de l'anonymat. Prenons l'exemple de Facebook, dont les jeunes sont de plus en plus friands. L'étendue des dommages collatéraux suite à son utilisation est encore méconnue. N'y a-t-il pas urgence de définir un cadre juridique plus strict quant à l'usage d'une telle plateforme? Notre responsabilité personnelle est d'enseigner aux jeunes à utiliser ces outils de façon éthique et réfléchie. Et l'exemple étant la meilleure influence, notre propre utilisation du web doit transmettre des valeurs qui amèneront les plus jeunes à agir en citoyens responsables, visionnaires et conscients de la portée de leurs actes. Je n'hésiterai jamais à signaler tout usage abusif de mon identité, mon compte ou ma réputation; si, ensemble, nous dénoncions toute activité portant atteinte à notre dignité, peut-être aurions-nous droit à des règles plus strictes et sécuritaires?

Jérôme Lussier, journaliste et blogueur

Se méfier de soi

Facebook et Twitter sont devenus incontournables. D'abord comme lieux sociaux, mais aussi, pour les commentateurs, politiciens, organisations médiatiques et autres, et de plus en plus de citoyens « ordinaires », comme armes de diffusion massive essentielles.

Il est vrai que ces réseaux peuvent détruire des réputations en quelques heures, de manière incontrôlable, et qu'il faut les aborder avec prudence et jugement.

Cela dit, le principal danger des médias sociaux n'est pas le vol d'identité ou le piratage de comptes. Le véritable péril - et ce qui fait leur force -- c'est la transparence immédiate et constante qu'ils offrent. À l'ère de Twitter et Facebook, c'est avant tout de soi-même dont il faut se méfier.

Dans une entrevue récente, Julian Assange disait, au sujet de Wikileaks, qu'il avait créé « une gigantesque taxe réputationnelle pour les institutions malhonnêtes ».

Les réseaux sociaux ont un impact semblable: en favorisant la transparence et la diffusion de l'information (vraie ou fausse), Twitter et Facebook imposent une nouvelle « taxe réputationnelle » dans l'espace public. L'incompétence, l'indécence et la connerie ne sont plus protégées par des façades; des idées nouvelles et originales peuvent circuler.

Je suis de ceux qui accueillent cette révolution avec un certain optimisme.

Marc Simard, professeur

La vie privée? Une chimère

Un jour, alors que j'informais mes étudiants du fait que je n'avais pas de page Facebook, un d'entre eux me répliqua : «Qu'est-ce que vous en savez? » Cette répartie fit rire les autres étudiants et me fournit matière à réflexion. Les histoires d'horreur racontées par Marie-Claude Malboeuf dans La Presse confirment le malaise que je ressentais.

Affirmer que les médias sociaux, apparus au tournant des années 2000, ne sont qu'une boîte de Pandore témoignerait toutefois d'un raisonnement un peu court. On vient notamment de constater, avec le renversement des dictatures en Égypte et en Tunisie, qu'ils peuvent avoir des fonctions sociales et politiques fort utiles. Il n'en reste pas moins que, comme Internet lui-même, ce sont de gigantesques machines où l'on trouve du pire comme du meilleur. On n'a qu'à penser à la place qu'occupe la pornographie sur le web aujourd'hui et à l'orgie de plagiat qu'il permet.

Facebook a été créé sur un campus universitaire pour faciliter les rencontres entre garçons et filles, de l'aveu même de son fondateur, jeune homme un peu coincé. Mais la bête est désormais sortie de sa cage et est devenue bien plus : les professeurs s'en servent pour se rapprocher de leurs élèves; ceux-ci l'utilisent pour élargir leurs réseaux et promouvoir leur moi social, mais aussi pour communiquer efficacement entre eux; et d'autres pour se venger ou pour nuire, bêtement. La création du transistor (1948) n'a pas changé la nature humaine, mais elle a accéléré et facilité les communications. Et une multitude d'individus profitent aujourd'hui de ces avantages sans bien en mesurer les inconvénients ni en prévoir les possibles dérives. Une certaine naïveté et le besoin d'amour, de reconnaissance et de célébrité instantanée (une des plaies de notre époque) en poussent plusieurs à dévoiler des informations privées qui pourraient servir contre eux plus tard.

Devant la malice des uns et la candeur des autres, les autorités publiques devront rapidement adapter leurs arsenaux législatifs avant que ces nouvelles merveilles n'aient ravagé trop de vies!

Marc Simard

Raymond Gravel, prêtre

Facebook, un excellent moyen de communication

Je ne connais pas Twitter. Peut-être direz-vous que je ne suis pas à la page? C'est vrai. Par ailleurs, je suis sur Facebook depuis un certain temps, et je me rends compte que c'est un excellent moyen de communication. C'est évident qu'on ne peut écrire ou publier n'importe quoi dans ces nouveaux médias : tout le monde peut y avoir accès. D'ailleurs, c'est une question de savoir-vivre que de ne pas écrire ou publier n'importe quoi dans les médias. Malheureusement, nombreux sont ceux et celles qui n'ont rien d'autre à faire que d'injurier les gens ou qui participent à des jeux insignifiants sur Facebook. Heureusement, nous avons la possibilité de les « flusher ».

Personnellement, je me sers souvent de ces nouveaux médias pour envoyer de l'information et inviter les gens à s'engager à défendre des causes qui me tiennent à coeur. Nous sommes à l'ère de la communication. Il faut tout faire pour que l'information circule le mieux possible, et ce, dans le respect des autres, avec le souci de la vérité, dans le but d'une plus grande justice pour tous. L'intégrité et la dignité de la personne humaine sont des valeurs importantes dans l'utilisation de Facebook et sans doute de « Twitter » aussi. Utiliser ces moyens de communication dans l'anonymat est inacceptable. Il faut être capable d'identifier les personnes qui écrivent et qui informent les autres. Dans le cas contraire, leur publication n'a, à mon avis, aucune valeur.

Raymond Gravel

Pierre Simard, professeur

Des phénomènes de société

Selon La Presse, chaque année, des centaines de personnes sont démolies par Facebook ou un autre site web. On vole leur identité en créant un faux profil. On les salit. On diffuse des photos intimes contre leur gré. Craignez-vous d'utiliser Facebook, Twitter et autres médias sociaux? Faites-vous attention aux informations que vous y publiez?

Il y a 10 ans, lors de l'apparition de l'encyclopédie en ligne Wikipédia, les détracteurs étaient légion. Plusieurs dénonçaient les nombreuses faussetés et les attaques personnelles qui y étaient introduites. Or, je lisais récemment que plusieurs spécialistes estiment maintenant que Wikipédia est aussi fiable que l'Encyclopédie Britannica, et ce, même si elle contient 50 fois plus d'information que cette dernière. De l'information qui a été produite de manière bénévole, sans planification étatique ou sans l'encadrement d'une corporation professionnelle. Facebook et Twitter sont devenus en cinq ans des phénomènes de société. Il est vrai que leur accessibilité a parfois facilité les dérapages. Par contre, on doit se rappeler que les abuseurs des réseaux sociaux ne sont pas à l'abri des poursuites judiciaires. Rappelez-vous que le portail Canoë a récemment été condamné à verser plus de 100 000 $ pour avoir publié des propos diffamatoires; des « Twitteux » ont aussi perdu leur emploi pour avoir diffusé des propos inadmissibles. Avec le temps, les usagers comprendront que Facebook et Twitter peuvent avoir des répercussions aussi bien négatives que positives sur leur identité et celle des autres. Aujourd'hui, ma crainte n'est pas tant les propos disgracieux qu'on retrouve ici et là sur les médias sociaux. Ma crainte, c'est que le développement des réseaux sociaux soit entravé par des politiciens à la solde de groupes d'intérêt en quête de statu quo; des politiciens qui veulent notre bien en nous gardant dans l'ignorance.

Mélanie Dugré, avocate

Un visage à deux faces

On commence à peine à découvrir les richesses et le potentiel des médias sociaux, lesquels sont appelés à devenir des acteurs de premier plan au sein des enjeux de société qui font notre actualité. Les médias sociaux ont pimenté la dernière campagne électorale, ils peuvent servir d'outils promotionnels efficaces et ils sont souvent à l'origine de mouvements de solidarité importants.

Mais les médias sociaux ont un visage à deux faces et leur croissance exponentielle ne se fait pas sans heurt tout comme leur utilisation peut parfois laisser un goût amer en bouche. Il existe certainement des usagers téméraires qui oublient que les petits jeux exhibitionnistes, agréables lorsqu'on garde le contrôle de ce qui est diffusé, peuvent rapidement vous détruire lorsque ce sont des individus aux intentions malveillantes qui prennent les commandes. La prudence, si peu à la mode de nos jours, devrait pourtant guider les amateurs de médias sociaux.

Je n'utilise ni Facebook ni Twitter. Ce n'est pas par protestation, contestation ou crainte d'un incident fâcheux. Mon quotidien est suffisamment rempli d'écrans, de messages téléphoniques et électroniques. Personnellement, je privilégie les contacts humains et je préfère de loin vivre ma vie plutôt que la raconter. De toute façon, c'est connu : les gens heureux n'ont pas d'histoire...

Mélanie Dugré

Mathieu Bock-Côté, chargé de cours à l'UQAM

Civiliser les réseaux sociaux

Après la fascination des réseaux sociaux vient le moment du désenchantement. Alain Finkielkraut a déjà qualifié internet de «vide ordure planétaire». Certains sont tentés de faire de même pour Facebook. D'autant plus qu'il favorise un voyeurisme débilitant où chacun espionne tout le monde. La société de surveillance longtemps redoutée s'installe de manière rigoureusement démocratique. On l'a souvent dit: c'est un temps fou que chacun perd à fouiller dans la vie des autres, à consulter le profil d'un ami, les photos d'une personne convoitée. Les réseaux sociaux ont un effet d'hypnose et participent à la virtualisation de l'existence, à sa déréalisation. Mais on peut bien grincher, on ne reviendra pas en arrière. La civilisation de la transparence s'est installée sur internet, qui en est devenu le principal vecteur. Évidemment, on ne peut plus faire sans. C'est vrai sur le plan personnel. Les amitiés se maintiennent aujourd'hui en bonne partie sur les réseaux sociaux, surtout chez les jeunes générations. C'est vrai aussi pour la publicité des entreprises comme des partis politiques, qui ne peuvent plus faire l'économie de ces moyens de communications pour rejoindre leurs clientèles respectives. Contentons-nous d'espérer qu'après le développement sauvage des réseaux sociaux, vienne le temps de leur civilisation.

Mathieu Bock-Côté

Caroline Moreno, écrivain

Face à face ou Facebook?

Ce qui est davantage à craindre est l'usage immodéré que font certains individus de ces réseaux d'échange. Combien d'heures par jour emploient-ils à naviguer, à télécharger, à clavarder, à s'abrutir de vidéos, de jeux? À force d'avoir le nez sur un écran, ils en perdent de vue la réalité pour vivre dans un monde purement virtuel où les contacts humains sont réduits à leur plus simple expression.

Après la journée sans voiture, instaurons la journée sans Facebook ni Twitter!

Pierre-Yves McSween, chargé de cours HEC Montréal

Les écrits restent

Les réseaux sociaux amplifient des dangers déjà existant sur la toile : la divulgation de renseignements personnels, la calomnie (souvent anonyme) et l'usurpation d'identité. Mais, l'humain étant ce qu'il est, il est très facile de lancer impulsivement une phrase sur Twitter sans penser aux conséquences. Comme quoi notre pire ennemi sur les réseaux sociaux est souvent nous-mêmes : je fais effectivement attention de ne pas divulguer n'importe quoi sur Facebook ou Twitter.  Ironiquement, le fait de ne pas avoir de compte Facebook ou Twitter ouvre la porte à l'usurpation d'identité, surtout pour une personnalité publique comme un politicien, un chanteur ou un comédien. Toutefois, contrairement à l'époque où les renseignements publics étaient filtrés par l'éthique journalistique, il n'y a plus de barrière de nos jours, et personne ne peut contrôler totalement l'information circulant à son sujet. Il ne faut donc pas se surprendre que les employeurs consultent maintenant votre profil Facebook pour comprendre quel genre de candidat il tente d'embaucher.  Faites un test, taper votre nom sur un moteur de recherche : est-ce que le résultat illustre la première impression que vous voulez donner à un employeur ? Pour maintenir un réseau de contacts professionnels ou de connaissances, le réseau Linkedin me semble un choix plus judicieux : professionnel et limitatif. Par contre, les réseaux sociaux permettent un partage de connaissances intéressant et je trouve que c'est un outil formidable (parlez-en à Denis Coderre!) Les paroles s'envolent, mais les photos, les vidéos et les écrits restent.

Pierre-Yves McSween