Ce n'est pas qu'il fasse bon être malade, loin de là ma pensée. C'est simplement que devant les soins de santé et la recherche médicale, les maladies ne sont pas égales.

Ce n'est pas qu'il fasse bon être malade, loin de là ma pensée. C'est simplement que devant les soins de santé et la recherche médicale, les maladies ne sont pas égales.

J'ai eu l'occasion d'accompagner dernièrement un de mes proches atteint d'un cancer et dont le diagnostic est de 95% de rémission complète. Nous avons connu beaucoup d'inquiétudes, particulièrement au début du processus, et le membre de notre famille atteint a dû subir plusieurs séances de chimiothérapie qui entraînent des malaises très désagréables et qui affectent également son apparence physique, principalement par la perte des cheveux. Rien de très agréable. Mais ce qui m'a le plus surpris dans tout ce dédale de souffrances, c'est la qualité de l'accompagnement médical et humain que notre système de santé offre à la personne atteinte du cancer.

Rien à voir avec mon expérience passée où un autre membre de ma famille a souffert de dépression majeure sévère. On l'hospitalise parce qu'il est devenu un danger pour lui-même, c'est-à-dire qu'on le parque pendant des jours ou des semaines au milieu d'une salle d'urgence aux fluorescents allumés 24 heures par jour où il est impossible de dormir. Puis, on l'oublie. Personne ne s'inquiète qu'il se lave - s'il y a une douche à proximité - ou qu'il mange, qu'il soit confortable sur sa civière et il n'a nulle part où ranger quelque objet personnel. Il vit bientôt en dehors du temps.

Quand on l'admet enfin dans une unité de santé mentale, cela ne veut pas dire qu'on va rapidement s'occuper de lui trouver un traitement efficace, être à l'écoute de sa souffrance. Les gens qui mettent fin à leur vie ne le font pas parce qu'ils ne veulent plus vivre, mais parce qu'ils n'en peuvent plus de souffrir. La recherche médicale ne pourrait-elle pas en soulager certains?

Présentement, c'est du cancer que meurent le plus de Québécois. En même temps, 25% des Canadiens vont souffrir de dépression à un moment ou à un autre de leur vie. C'est sans compter les autres maladies mentales plus invalidantes telles la bipolarité et la schizophrénie. Toutes ces personnes souffrent, manquent des journées de travail, ou bien l'État doit subvenir à leurs besoins parce qu'elles n'ont pas les traitements et le suivi dont elles ont besoin. Les molécules nouvelles pour les aider se font très rares, même les médecins pour les traiter puisque la moyenne d'âge des psychiatres est de 50 ans et qu'il y a peu de relève. La maladie mentale est taboue.

Une partie substantielle de la population itinérante comme de la population carcérale souffre d'une forme ou d'une autre de maladie mentale et reçoit peu ou aucun soin. Elle vit dans un brouillard, un magma difficile à imaginer, bien souvent amplifié par des problèmes de drogue. Après un certain nombre d'années, que reste-t-il d'un être humain perdu au fond de son long couloir obscur?

Et même lorsque l'on prescrit des médicaments à quelqu'un, la médication doit être accompagnée d'un suivi thérapeutique si on veut voir des résultats tangibles. En premier, tout bêtement s'assurer que la personne n'arrête pas de prendre ses médicaments dès qu'elle se sent mieux.

En santé mentale, on ne jouit pas de la même qualité d'accompagnement médical et humain. Les patients appartiennent à une autre catégorie. Les subventions pour la recherche doivent y être moins abondantes que pour le cancer et la cardiologie. Je n'ai rien contre la qualité des soins qu'on reçoit dans ces domaines. Bien au contraire, ils doivent servir d'exemple.

La santé mentale demeure un parent pauvre de la médecine, l'Afrique au coeur de l'Amérique du Nord.

Administrateurs sans coeur, jeunes chercheurs, jeunes médecins, n'oubliez pas cette partie de la population qui a tellement besoin de vous. Déboulonnez les tabous.