Cette année, il n'y aura pas de rond à patiner au parc de mon coin de ville. Je le sais, c'est mon conseiller municipal qui me l'a dit. Coupes, m'a-t-il dit, coupes et rationalisation. Voilà qui m'a beaucoup réconforté. Coupes et rationalisation sont les deux mamelles de la rentabilité, tout économiste débutant vous le dira sans broncher.

Cette année, il n'y aura pas de rond à patiner au parc de mon coin de ville. Je le sais, c'est mon conseiller municipal qui me l'a dit. Coupes, m'a-t-il dit, coupes et rationalisation. Voilà qui m'a beaucoup réconforté. Coupes et rationalisation sont les deux mamelles de la rentabilité, tout économiste débutant vous le dira sans broncher.

Mais voilà, je ne suis pas économiste, pas plus que les dizaines d'enfants et de parents d'enfants qui ne pourront pas cet hiver «aller patiner au coin de la rue». Il y a d'autres parcs, a dit le conseiller. Et les arénas aussi, a-t-il insisté! Comme cela est juste et vrai. Et pour aller aux autres parcs, on prend la voiture, et on se retrouve beaucoup, beaucoup de monde sur un même rond à patiner. Comme dans le métro le matin. Et dans les arénas, on ne voit pas le ciel, on ne voit pas la neige, on ne rougit pas des joues, mais on a tout le loisir de se battre contre les machines à jus et à bonbons qu'affectionnent particulièrement nos enfants.

Cette année, il n'y aura pas de rond à patiner dans mon coin de ville. Dommage, c'est là que le 31 décembre, je me suis retrouvé il y a bien des lunes pour rencontrer ma blonde. Quoi de meilleur qu'un baiser froid sur une bouche gelée...

Et c'est là aussi que mes enfants ont tous appris à mettre un pied devant l'autre en criant de plaisir avant de retomber sur les genoux sur une glace dure de janvier. Mais je me console, mon conseiller m'a appris que je n'avais qu'à signaler le 3-1-1 pour porter plainte. Ça ne va pas ramener notre rond à patiner, mais Dieu sait jusqu'où cette plainte saura nous guider...

Cette année, il n'y aura pas de rond à patiner au parc Saint-Paul. Rien de grave, en fait. Juste un fil bien mince du tissu urbain qui s'effiloche et me glisse entre les doigts. On jouera au Nintendo, on ira au cinéma... On fera rouler l'économie quoi!

Et pour les rires d'enfants qui jouent à la «tag» sur la glace, ou les conversations entre parents qui poussent du pied gauche sur des patins un peu rouillés, on ira à l'aréna... C'est tellement beau et romantique, un aréna! Et pour les joues rouges et les patins qu'on ramène sur l'épaule en revenant du parc? Achetez des cartes de Noël. Il y en a tout plein qui illustrent des patineurs souriants qui prennent plaisir à célébrer notre hiver.

Cette année, il n'y aura pas de rond à patiner au parc Saint-Paul-de-la-Croix, dans Ahuntsic. Le 3 janvier au matin, on y verra un ou deux chiens tirés par des maîtres transis et pressés de revenir prendre un café à la maison. Et, comble de malheur, ma blonde m'offrait de nouveaux patins cet hiver. J'ai bien envie de ne pas les déballer et de les envoyer à mon conseiller. Quelle grandeur, M. Brunet?