À la suite de la publication de l'article «Les petits mensonges de la Grèce» et des propos de Jacques Bouchard, éminent spécialiste québécois en études néo-helléniques (La Presse, 1er mai), je voudrais à mon tour m'exprimer au sujet des déboires actuels du peuple grec.

À la suite de la publication de l'article «Les petits mensonges de la Grèce» et des propos de Jacques Bouchard, éminent spécialiste québécois en études néo-helléniques (La Presse, 1er mai), je voudrais à mon tour m'exprimer au sujet des déboires actuels du peuple grec.

Je connais ce pays depuis 33 ans, j'y ai vécu pendant 10 ans, ma fille est née à Athènes, j'y vais régulièrement et j'ai beaucoup d'amis grecs ici, à Montréal, qui m'accueillent toujours à bras ouverts et me permettent de continuer à parler leur magnifique, subtile, mais si difficile langue.

Sans vouloir occulter ou minimiser les travers et les défauts de ce pays, est-il vraiment opportun d'en profiter pour surenchérir et accabler ce peuple, par ailleurs, chaleureux, d'une hospitalité sans faille, d'une culture admirable?

Si les Grecs aiment la fête, c'est parce qu'ils ont la capacité de vivre l'instant présent et veulent masquer leurs difficultés quotidiennes: chômage, salaires faibles... Ils aiment la politique? Le vote est obligatoire, l'abstention insignifiante, et ils savent trop bien qu'elle peut leur réserver de drôles de surprises... la preuve!

Si les Grecs ont trois «jobines», c'est pour mieux aider leurs familles (la majorité sont propriétaires de leur maison) et leurs enfants, car ils sont très attachés à leur réussite scolaire et universitaire. On les voit souvent sur les terrasses? Que se passe-t-il donc chez nous quand le beau temps revient? Quant à l'économie parallèle, le système D, au lieu de regarder la paille du voisin...

Depuis l'Antiquité, bon nombre de Grecs ont quitté leur pays aux faibles ressources, apportant leur savoir-faire, s'intégrant, voire même s'assimilant dans les pays d'accueil. La communauté grecque de Montréal est faite de gens actifs, de travailleurs soucieux de préserver leur culture tout en donnant au Québec et au Canada bon nombre d'éminents spécialistes dans tous les domaines...

Et puis, un peu de modestie et de réalisme! Quel peuple occidental actuel peut se targuer de n'avoir pas suivi le mot d'ordre publicitaire de surconsommation de la part des multinationales et de ne pas être surendetté? Ces mêmes multinationales qui ont délocalisé à tour de bras pour faire des profits dans les pays émergents et laisser le chômage derrière!

Compagnies d'assurances, «boursicoteurs», banques, dont Goldman Sachs (que les gouvernements grecs précédents ont bien imprudemment sollicité) et qui ont obligé les gouvernements à prêter des milliards (taxes des citoyens) pour leur éviter la faillite. Quel État peut prétendre ne pas avoir confié aveuglément des pans entiers de son économie au capitalisme libéral? Et qui aurait intérêt à saboter l'Union européenne, principal partenaire commercial de l'Amérique du Nord? C'est d'ailleurs une formidable occasion pour elle de se doter d'une solide politique d'intégration de l'euro et de voir moins grand. Enfin, quel rempart commun contre la concurrence et le développement rapide et artificiel des pays émergents?

Pour tous ceux qui connaissent bien l'histoire du peuple grec, il a largement prouvé son courage, à travers des épreuves incroyables, sa ténacité et sa capacité à se sacrifier quand il s'agissait de sauver la nation: occupations de pays ennemis, famine, dictature, géopolitique contraignante qui l'ont souvent empêché de choisir son destin, en plus du fiasco économique actuel qu'il sera, j'espère, capable d'affronter.

N'y a-t-il donc que le peuple pour être la cible des critiques, en plus de subir les plans actuels d'austérité des gouvernements imprudents et payer l'addition de la crise économique?