Le diplomate à la retraite Bob Fowler a jeté un lourd pavé dans la mare du Parti libéral du Canada hier matin. À l'ouverture de la troisième journée de la «conférence des penseurs» tenue par la formation à Montréal, M. Fowler a déclaré que les libéraux étaient «sur le point de perdre leur âme»: «Le Parti libéral ne défend plus guère de principes. Il appuie n'importe quoi pourvu que cela lui permette de reprendre le pouvoir.»

La nostalgie de M. Fowler pour le Parti libéral d'autrefois est sans doute excessive, mais il est vrai que les libéraux se cherchent. L'«âme» de la formation, les convictions centristes qui lui ont permis de gouverner le pays pendant l'essentiel du XXe siècle, ne semblent plus politiquement rentables. C'est bien beau d'avoir une âme, mais à quoi bon si on ne peut pas prendre le pouvoir pour mettre ses idées en oeuvre?

 

La conférence de la fin de semaine a été un beau succès. Les spécialistes invités ont tracé avec brio un portrait sans complaisance des défis que devra surmonter le pays au cours des prochaines années: environnement, énergie, démographie, finances publiques. Pour relever ces défis, ont-ils souligné, les Canadiens devront consentir à des sacrifices. Or, ils n'y sont pas prêts; les politiciens ne s'y risqueront donc pas.

On l'a vu samedi au cours de la discussion sur les changements climatiques. Les experts invités ont tous soutenu que l'imposition d'une taxe sur le carbone serait le moyen le plus efficace de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Malgré cette démonstration convaincante, les libéraux n'ont manifesté aucun enthousiasme; chat échaudé...

L'ancien gouverneur de la Banque du Canada, David Dodge, est venu dire aux libéraux que le vieillissement de la population exercera une pression insoutenable sur les dépenses de santé. «Il n'y a pas de solution magique», a lancé M. Dodge. Les gouvernements devront ou bien augmenter les revenus, ou bien réduire les services offerts.

C'est pourtant de solutions magiques qu'a parlé le chef, Michael Ignatieff, à la fin de la conférence. Pour régler les problèmes d'éducation et d'innovation, il y aura une «stratégie nationale sur le savoir». Pour circonscrire la croissance des coûts de santé, il faudra une «stratégie nationale sur la prévention». Pour préserver l'environnement, un gouvernement libéral mettra en place une «stratégie nationale sur l'énergie propre». Sans parler du «gouvernement par réseaux»...

En tenant cette rencontre originale de réflexion publique, le Parti libéral du Canada a peut-être retrouvé un peu de son identité. Toutefois, il n'a pas encore trouvé le courage de faire les choix difficiles et d'être franc avec les Canadiens.