À la suite de la présentation du projet de loi 103 sur les écoles «passerelles», la chef de l'opposition officielle, Pauline Marois, a accusé le premier ministre, Jean Charest, d'avoir «plié les genoux», de s'être « couché à terre » devant la Cour suprême du Canada. Que voilà un étrange reproche.

À la suite de la présentation du projet de loi 103 sur les écoles «passerelles», la chef de l'opposition officielle, Pauline Marois, a accusé le premier ministre, Jean Charest, d'avoir «plié les genoux», de s'être « couché à terre » devant la Cour suprême du Canada. Que voilà un étrange reproche.

Le projet de loi vise à remplacer des articles de la Charte de la langue française, introduits en 2002 par la loi 104 et l'an dernier jugés invalides par la Cour suprême. On peut être en désaccord avec le jugement en question (nous l'étions), on peut certainement critiquer le projet de loi déposé par le gouvernement libéral. Mais comment peut-on dénoncer le fait qu'un gouvernement se plie à l'opinion du plus haut tribunal du pays?

Dans l'esprit des péquistes, la Cour suprême est le tribunal «d'une autre nation», «qui penche toujours du même bord». Pourtant, cette Cour qu'ils honnissent a bien souvent penché «du bon bord». À la fin du XIXe siècle, c'est elle qui a annulé des élections parce que l'Église catholique avait fait campagne en chaire contre les candidats progressistes. Quelques décennies plus tard, elle a puni Maurice Duplessis parce qu'il avait abusé de ses pouvoirs en faisant retirer le permis d'alcool de Frank Roncarelli, un restaurateur qui avait le malheur d'être Témoin de Jéhovah.

C'est la Cour suprême qui a invalidé la loi fédérale criminalisant l'avortement, créant le vide juridique dont tant de Québécois ont récemment vanté les mérites, y compris Mme Marois elle-même (soulignant alors l'importance de «reconnaître les droits et respecter le libre choix des personnes»...).

C'est la Cour suprême qui a forcé les provinces anglaises à respecter leurs obligations envers les francophones hors Québec. Et, dans un avis que ne cessent de citer les souverainistes, ce tribunal a affirmé l'obligation pour le reste du pays de négocier avec un gouvernement du Québec qui aurait obtenu une majorité claire de OUI en faveur de l'indépendance.

Le Parti québécois et divers groupes préoccupés par la situation du français auraient souhaité que le gouvernement passe outre au jugement sur la loi 104 en ayant recours à la clause dérogatoire de la Charte canadienne des droits et libertés. Cette possibilité existe, bien sûr. Toutefois, on ne doit l'envisager qu'en ultime recours. Pourquoi? Parce que lorsqu'une majorité emprunte la voie de la clause dérogatoire, elle se sert du poids du nombre pour écraser les droits des minorités.

Un gouvernement qui se plie de bonne foi aux décisions des tribunaux en ces matières ne fait pas preuve d'aplaventrisme, mais d'un respect scrupuleux et louable pour les droits de la personne.