Dans une remarque faite à la toute fin d'un jugement de 63 pages, le juge Gérard Dugré, de la Cour supérieure, a parlé de totalitarisme et d'inquisition. Ces propos manifestement excessifs ont suscité une prévisible levée de boucliers. C'est dommage parce que l'objet du jugement soulève une question fondamentale et délicate. Celle-ci ne devrait pas être réglée d'une manière simpliste dictée par une idéologie ou une autre.

Dans une remarque faite à la toute fin d'un jugement de 63 pages, le juge Gérard Dugré, de la Cour supérieure, a parlé de totalitarisme et d'inquisition. Ces propos manifestement excessifs ont suscité une prévisible levée de boucliers. C'est dommage parce que l'objet du jugement soulève une question fondamentale et délicate. Celle-ci ne devrait pas être réglée d'une manière simpliste dictée par une idéologie ou une autre.

Dans cette colonne, nous avons approuvé le cours d'Éthique et culture religieuse (ECR) qui remplace les cours de religion et de morale. Nous avons aussi souscrit à la décision de la Cour supérieure de rejeter la requête de parents qui voulaient voir leurs enfants, fréquentant des écoles publiques, exemptés de ce cours. La présente affaire soulève un autre problème.

Le Loyola High School, un collège jésuite de Montréal, s'oppose à l'approche relativiste proposée par le cours d'ECR. La direction de l'établissement convient sans mal de la nécessité de sensibiliser ses élèves à d'autres religions que la catholique. Le collège a donc proposé d'offrir sa propre version du cours d'ECR et d'être exempté du programme préparé par le ministère. La Loi sur l'enseignement privé prévoit de telles exemptions à condition que l'école requérante offre un cours «équivalent». Or, le ministère de l'Éducation estime que le cours mis au point par Loyola n'est pas « équivalent » à l'ERC «car l'étude des religions apparaît être réalisée en lien avec la religion catholique».

Au Québec, le système public d'éducation a été déconfessionnalisé et l'enseignement de la religion a été relégué à la sphère privée. Toutefois, il n'a jamais été question de déconfessionnaliser les écoles privées. La Charte québécoise des droits et libertés de la personne protège le droit des parents «d'assurer l'éducation religieuse et morale de leurs enfants conformément à leurs convictions» et «de choisir pour leurs enfants des établissements d'enseignement privés».

Le ministère de l'Éducation rappelle que les écoles privées peuvent toujours offrir des cours de religion. Cependant, dans une authentique école confessionnelle, la dimension spirituelle est présente dans toute la vie de l'école, pas seulement durant les cours de religion. Imposer à Loyola d'enseigner un cours de culture religieuse dont est absente cette dimension, c'est selon elle lui imposer «la diffusion d'une vision du monde incompatible à sa mission catholique».

Le problème se résume ainsi : après avoir déconfessionnalisé son système scolaire public, le Québec veut-il maintenant sortir la religion des écoles privées? Pourvu qu'on sache, la réponse à cette question a toujours été non. Cela étant, au lieu de rédiger une sèche fin de non-recevoir, la ministre de l'Éducation aurait dû accueillir la proposition de Loyola comme le fondement d'un accommodement aussi raisonnable que souhaitable.