Malgré les objections qui fusent, le gouvernement Harper persiste dans sa volonté d'éliminer le questionnaire détaillé du recensement de 2011. Les conservateurs agissent dans ce dossier comme ils l'ont fait plusieurs fois auparavant: afin de flatter leur base militante, ils prennent une décision tellement mal fondée qu'ils ne peuvent l'expliquer qu'en ayant recours à la démagogie. Dans le cas présent, presque tous les arguments qu'ils ont employés sont contredits par les faits, quand ils ne sont pas carrément mensongers.

Le ministre responsable, Tony Clement, déplore que le questionnaire long comprend des «questions personnelles et indiscrètes» exigeant que les Canadiens dévoile au gouvernement «des renseignements confidentiels sur leur vie intime et privée.» Et les conservateurs de toujours donner le même exemple: une question porte sur le nombre de chambres à coucher dans le logement du répondant.

Soulignons qu'aux États-Unis et en Grande-Bretagne, le recensement comprend une question similaire. Si les gouvernements américain et anglais ne voient pas là une intrusion dans la vie intime de leurs citoyens, pourquoi le gouvernement canadien s'en offusque-t-il tout à coup?

Outre cette fameuse question, le formulaire détaillé du recensement interroge les Canadiens au sujet de leur langue maternelle, leur langue d'usage, leurs revenus, leur emploi, l'éducation qu'ils ont reçue, leur lieu de naissance et leur origine ethnique. Détails de la vie intime, vraiment?

Le questionnaire court (sept questions) demande aux Canadiens des renseignements sur leur état matrimonial, notamment s'ils vivent avec une autre personne en union libre. N'est-on pas là au coeur de l'intimité de chacun? Suivant la logique tordue des conservateurs, ne faudrait-il pas abolir ce questionnaire également?

M. Clement laisse entendre qu'il jouit de l'appui de Statistique Canada. Cependant, les propos de l'ancien Statisticien en chef, le silence de son successeur et les confidences de diverses sources à l'interne laissent croire que c'est faux.

Devant la levée de boucliers, le gouvernement Harper a réagi à sa manière habituelle, c'est-à-dire en dénigrant ses opposants. Selon le député Maxime Bernier, les données recueillies lors du recensement ne servent qu'aux «groupes de pression». Or, les données du recensement sont utilisées par un immense éventail de personnes et d'institutions. Si c'est d'eux dont parle M. Bernier, le Canada entier est un groupe de pression!

Cette décision relative au recensement et les arguments avancés par le gouvernement constituent le comble de la bêtise. Les conséquences néfastes sur la comparabilité de ces données cruciales se feront sentir pendant des années. Mais ça, les conservateurs s'en fichent... en autant que leur base pure et dure soit satisfaite.