Malgré les dégâts causés à court terme, le déversement dans une rivière du Michigan de plus de trois millions de litres de pétrole provenant d'un oléoduc de l'entreprise canadienne Enbridge pourrait être une bonne chose pour l'environnement.

Certains, dont le premier ministre albertain Ed Stelmach, ont vu dans l'explosion de la plateforme de forage de BP dans le golfe du Mexique un argument en faveur de l'exportation massive du pétrole des sables bitumineux vers les États-Unis. Au cours d'une récente visite à Washington, M. Stelmach a souligné que même si des fuites se produisaient parfois des oléoducs, celles-ci pouvaient être rapidement colmatées.

C'est vrai, mais les torts causés à l'environnement peuvent quand même être substantiels. Si la quantité de pétrole déversée dans la rivière Kalamazoo est 160 fois moins importante que ce qui s'est retrouvé dans le golfe du Mexique, il s'agit tout de même de 3,3 millions de litres. C'est l'équivalent de plus de 100 piscines hors terre. Selon les spécialistes, même si la marée noire est maintenant contenue, il faudra quelques mois pour nettoyer la rivière et ses rives.

Comme ce qui est soupçonné dans le cas du Golfe, il se pourrait que la fuite survenue au Michigan soit due à la négligence du propriétaire. En effet, on a appris à la suite de l'incident que les autorités américaines avaient écrit à Enbridge en janvier dernier pour déplorer les faiblesses de son programme d'inspection de la corrosion de l'oléoduc en question.

La réputation de l'entreprise canadienne risque donc d'en prendre un coup. Et ce coup pourrait se répercuter sur sa concurrente TransCanada, au pire moment qui soit. TransCanada a proposé la construction d'un gigantesque oléoduc de plus de 2600 kilomètres qui relierait l'Alberta au Texas, un projet de 12 milliards. Le projet Keystone XL attend le feu vert du secrétariat d'État américain.

La secrétaire, Hillary Clinton, fait l'objet de fortes pressions de part et d'autre. Le déversement dans la rivière Kalamazoo apporte évidemment de l'eau au moulin des opposants. Les risques de catastrophe écologique s'ajoutent aux inquiétudes exprimées, notamment par l'Environmental Protection Agency, au sujet des émissions de gaz à effet de serre produites par l'extraction du pétrole des sables bitumineux.

C'est là que la fuite de l'oléoduc d'Enbridge pourrait avoir des conséquences heureuses. En accroissant la méfiance des Américains à l'endroit de l'or noir venant du Nord, elle forcera peut-être les producteurs et les gouvernements d'ici à redoubler d'efforts afin d'exploiter cette richesse naturelle de manière à préserver le plus possible l'environnement. «Que ce soit au large ou dans les sables bitumineux, l'extraction du pétrole doit se faire dans le respect de l'environnement», a dit M. Stelmach dans la capitale américaine. Si seulement les gestes pouvaient suivre les paroles...