Il n'y a pas qu'au Québec que sévit une crise des urgences. En Alberta, cette crise suscite l'émoi populaire depuis des semaines. La crise s'est même transformée en scandale; le scandale du biscuit.

Il n'y a pas qu'au Québec que sévit une crise des urgences. En Alberta, cette crise suscite l'émoi populaire depuis des semaines. La crise s'est même transformée en scandale; le scandale du biscuit.

En septembre dernier, un homme de 34 ans, Shayne Hay, s'est pendu dans une chambre de l'urgence d'un hôpital d'Edmonton. Admis parce qu'il menaçait de s'enlever la vie, Hay attendait depuis plus de 12 heures les soins d'un psychiatre.

En octobre, le représentant des médecins d'urgence de la province a écrit au ministre de la Santé pour l'avertir de la détérioration de la situation. Selon lui, les salles d'urgence sont au bord d'un «effondrement catastrophique».

La situation est telle qu'un député du parti au pouvoir, lui-même médecin à l'urgence, Raj Sherman, a dénoncé la semaine dernière l'incapacité du gouvernement de venir à bout du problème. Cela lui a valu d'être expulsé du caucus conservateur.

Si l'Alberta n'est pas en mesure de diminuer l'attente dans les urgences de ses hôpitaux, ce n'est pas faute d'argent. Il y a 10 ans, la province dépensait pour les soins de santé à peu près le même montant par habitant que le Québec, environ 2000$. Aujourd'hui, elle dépense 1000$ par habitant de plus que le Québec. Depuis cinq ans, le budget de la Santé dans la province du pétrole a crû de 5 milliards.

Il y a deux ans, le gouvernement du premier ministre Ed Stelmach a mis en place une réforme fondée sur une idée qui a souvent été prônée ici. L'administration du réseau a été confiée à une société d'État, l'Alberta Health Services Board, qui a remplacé les neuf agences régionales existantes. Le gouvernement croyait ainsi rendre le système plus efficace. Le moins qu'on puisse dire, c'est que l'efficacité se fait attendre; l'organigramme du réseau réorganisé fait plus de 250 pages...

On dit qu'une telle formule a l'avantage de dépolitiser la gestion de la Santé. Elle peut toutefois avoir l'effet pervers de la rendre insensible aux préoccupations des citoyens. En témoigne l'incident du biscuit. À la sortie d'une réunion vendredi dernier, le PDG de l'Alberta Health Services Board, Stephen Duckett, dont la rémunération dépasse les 700 000$, a refusé de répondre aux journalistes sous prétexte... qu'il était en train de manger un biscuit. Poursuivi pendant plus de deux minutes alors qu'il se rendait à sa voiture, il a continué d'esquiver les questions: «Vous voyez bien que je mange mon biscuit!»

La source de l'encombrement des urgences en Alberta est la même qu'au Québec: des centaines de lits d'hôpital sont occupés par des personnes âgées qui sont en attente d'une place dans un centre d'hébergement. Comme le Québec, l'Alberta n'a pas investi suffisamment dans ce secteur. Tant que cela ne sera pas fait, les autres mesures visant à régler la crise des urgences seront vouées à l'échec.