À Ottawa, les partis de l'opposition semblent vouloir faire de l'attitude du gouvernement Harper à l'égard du Parlement un des principaux enjeux d'une campagne électorale désormais inévitable. Il n'est pas certain que cette tactique porte fruit.

À Ottawa, les partis de l'opposition semblent vouloir faire de l'attitude du gouvernement Harper à l'égard du Parlement un des principaux enjeux d'une campagne électorale désormais inévitable. Il n'est pas certain que cette tactique porte fruit.

Certes, les conservateurs placent leurs intérêts partisans bien au-dessus des principes fondamentaux du régime parlementaire. On l'a vu dans leur refus de fournir à l'opposition des données détaillées sur le coût des 18 projets de loi visant à rendre le Code criminel plus sévère. Le gouvernement a d'abord refusé, prétextant que ces informations étaient protégées par le secret du cabinet. Deux mois plus tard, il a déposé aux Communes un document incomplet. Comme l'a rappelé avec force mercredi le président Peter Milliken, citant un guide de procédure parlementaire: «Le droit du Parlement d'obtenir tous les renseignements possibles concernant une question d'intérêt public est incontestable et les circonstances doivent être exceptionnelles et les raisons très puissantes pour que ces renseignements ne soient pas présentés devant les Chambres.»

En refusant de fournir toute l'information réclamée par l'opposition, le gouvernement Harper fait preuve de mépris non seulement à l'égard du Parlement, mais à l'endroit de la population. Dans une démocratie, le gouvernement a le devoir de fournir à l'électorat des informations complètes sur les tenants et aboutissants de ses décisions. Si les conservateurs jouent ainsi à la cachette, c'est qu'ils craignent la réaction qu'auraient les électeurs en prenant connaissance de la facture. À ce sujet, on note la publication hier, par le directeur parlementaire du budget, d'une estimation du coût d'acquisition et d'entretien des chasseurs F35 beaucoup plus élevée que le montant publié par le ministère de la Défense.

Les partis de l'opposition ont donc raison de dénoncer l'attitude du gouvernement. Le problème, c'est que rien dans leur propre comportement au Parlement ne laisse croire que, au pouvoir, ils agiraient différemment. Le Parti libéral, qui fut pourtant pendant plusieurs années majoritaire, donc en situation beaucoup moins délicate que le gouvernement Harper, n'a jamais fait preuve d'une transparence exemplaire. Au contraire, il a usé et abusé de sa majorité comme bon lui semblait. Les appels des libéraux au respect du Parlement sonnent donc creux.

Les partis de l'opposition feraient eux-mêmes preuve de respect à l'endroit de l'électorat en faisant porter la campagne sur des thèmes plus proches des préoccupations de la population que ne l'est la joute parlementaire. Des thèmes au sujet desquels il y a de véritables différences d'approche entre eux et les conservateurs, tels la politique fiscale, le financement de la santé, l'environnement et la politique internationale du Canada. Des questions dont dépend l'avenir du pays plutôt que celui des partis.