D'abord la mauvaise nouvelle: en offrant une garantie de prêt au projet de développement hydroélectrique du Bas-Churchill, Stephen Harper vient fausser le jeu de la concurrence dans le marché de l'énergie du nord-est du continent. Hydro-Québec sera la principale victime de cette concurrence déloyale.

D'abord la mauvaise nouvelle: en offrant une garantie de prêt au projet de développement hydroélectrique du Bas-Churchill, Stephen Harper vient fausser le jeu de la concurrence dans le marché de l'énergie du nord-est du continent. Hydro-Québec sera la principale victime de cette concurrence déloyale.

Gilles Duceppe a accusé son homologue conservateur de chercher à «regagner le coeur des Terre-Neuviens avec l'argent des Québécois». L'accusation est caricaturale. L'appui d'Ottawa se fera sous forme de garantie de prêt; sauf le scénario très improbable d'une faillite des sociétés terre-neuvienne (Nalcor) et néo-écossaise d'électricité (Emera, une entreprise privée), le gouvernement fédéral ne déboursera pas un sou. Toutefois, il est vrai qu'à long terme, si Hydro-Québec perdait des parts de marché ou devait réduire ses prix à l'exportation, les contribuables québécois pourraient souffrir de la mesure proposée par M. Harper. Mais ce n'est pas la seule raison de s'opposer à la politique improvisée par les tacticiens conservateurs. Néfaste pour le Québec, cette mesure pourrait l'être aussi pour le reste du pays.

On connaît le contexte: à la suite de la campagne menée contre eux par l'ancien premier ministre de Terre-Neuve et Labrador, Danny Williams, les conservateurs ont été balayés de la province en 2008. M. Harper veut absolument reprendre quelques-unes des sept circonscriptions de la province. D'où la promesse faite jeudi.

Le projet dont il est question prévoit la construction d'une centrale (Muskrat Falls) de 824 mégawatts et de lignes de transmission reliant la centrale à l'île de Terre-Neuve et à la Nouvelle-Écosse. Les investissements totaliseront 6,2 milliards, dont quelque 4 milliards seront empruntés. Grâce à la garantie offerte par Ottawa, Nalcor et Emera  bénéficieront de taux préférentiels, ce qui leur permettra d'économiser des centaines de millions en intérêts. Nalcor sera en mesure de vendre l'électricité du Bas- Churchill à prix d'aubaine sur le marché américain.

Pour mieux faire avaler la pilule, les conservateurs ont inventé un nouveau programme de soutien financier aux projets «d'importance nationale ou régionale permettant de réduire considérablement les émissions de gaz à effet de serre». Si ce programme se traduit par un appui tangible à d'autres projets importants au plan environnemental, on peut seulement se réjouir. C'est la bonne nouvelle.

Toutefois, on a la nette impression que les critères du programme ont été griffonnés au dos d'une enveloppe. Il est donc loin d'être certain que d'autres projets seront ainsi soutenus. Et puis, jusqu'où ira Ottawa? S'il offre une garantie de prêt de 4 milliards à Terre-Neuve et à la Nouvelle-Écosse (4% du PIB national), endossera-t-il 96 milliards de prêts pour des projets dans le reste du pays? Décidément, M. Harper s'aventure en eaux dangereuses. Tout cela pour trois ou quatre sièges de plus.