Depuis qu'il participe aux débats des chefs, Gilles Duceppe ne manque jamais de dénoncer l'«ingérence» du gouvernement fédéral dans le domaine de la santé. «Le ministère fédéral de la Santé n'administre pas un seul hôpital, il n'a aucune expertise, et il voudrait dire aux provinces comment faire? a-t-il lancé lors du débat en langue anglaise mardi dernier. Qu'Ottawa donne l'argent et laisse les provinces faire leur travail.»

Depuis qu'il participe aux débats des chefs, Gilles Duceppe ne manque jamais de dénoncer l'«ingérence» du gouvernement fédéral dans le domaine de la santé. «Le ministère fédéral de la Santé n'administre pas un seul hôpital, il n'a aucune expertise, et il voudrait dire aux provinces comment faire? a-t-il lancé lors du débat en langue anglaise mardi dernier. Qu'Ottawa donne l'argent et laisse les provinces faire leur travail.»

Lors de débats passés, M. Duceppe avait décrit comme du gaspillage le fait que Santé Canada compte plus de 9000 employés bien qu'il ne gère pas d'hôpitaux. À en croire le leader bloquiste, le fédéral n'a rien à faire dans le domaine de la santé et les choses iraient mieux si Ottawa n'empêchait pas le gouvernement du Québec de gérer ce secteur à sa guise. Les choses ne sont pas aussi simples.

D'abord, un peu de recul. Oui, Santé Canada emploie bien 9800 personnes. Cela paraît beaucoup, mais il faut savoir que le réseau de la santé et des services sociaux du gouvernement du Québec emploie plus de 200 000 personnes, sans compter les médecins. Il n'y a donc aucune commune mesure entre les deux organisations.

Les fonctionnaires fédéraux dont se moque M. Duceppe s'acquittent de tâches relevant bel et bien des pouvoirs du gouvernement du Canada, par exemple la réglementation de la sécurité des médicaments, des produits de consommation, des substances chimiques et des aliments. Le gouvernement central est également responsable des soins de santé pour les autochtones. Les 9800 employés de Santé Canada ne se tournent donc pas les pouces, pas plus qu'ils ne passent leur temps à dire aux provinces comment organiser les soins.

Il est vrai que le gouvernement fédéral, poussé en cela par l'opinion publique au Canada anglais, prétend se mêler de la gestion du réseau de la santé (voir les promesses électorales de Jack Layton), gestion qui est indubitablement de compétence provinciale. Il le fait en posant des conditions au versement des paiements de transfert destinés aux soins de santé. Compte tenu de l'envergure de ces transferts (27 milliards cette année), il n'est pas anormal qu'Ottawa garde un oeil sur l'usage qu'en font les provinces. Surtout, les politiciens fédéraux cherchent à s'attribuer le mérite politique d'éventuelles améliorations dans la qualité des services offerts à la population.

En réalité, le fédéral est impuissant. Une fois l'entente de financement conclue, les provinces partent avec l'argent et n'en font qu'à leur tête. La supposée ingérence n'est rien d'autre que gesticulations.

M. Duceppe aime quand tout est noir ou tout est blanc. Telle n'est pas la vie dans un régime fédéral. Et, quoi qu'on en dise, c'est souvent à l'avantage des citoyens. Faut-il rappeler que c'est d'Ottawa qu'est venue, il y a cinq décennies, l'impulsion pour la création du régime d'assurance-maladie?