La campagne du Bloc québécois vient de prendre un virage radical. Alors qu'il était question jusqu'ici d'empêcher l'élection d'un gouvernement conservateur majoritaire, il s'agit maintenant de contribuer à la marche du Québec vers l'indépendance. «Cette élection n'est pas une lutte gauche-droite mais une lutte entre fédéralistes et souverainistes», a écrit M. Duceppe sur Twitter. Plus question donc de rassembler les Québécois sous l'enseigne du Bloc, ce parti est brusquement et ouvertement redevenu l'instrument des seuls indépendantistes.

La campagne du Bloc québécois vient de prendre un virage radical. Alors qu'il était question jusqu'ici d'empêcher l'élection d'un gouvernement conservateur majoritaire, il s'agit maintenant de contribuer à la marche du Québec vers l'indépendance. «Cette élection n'est pas une lutte gauche-droite mais une lutte entre fédéralistes et souverainistes», a écrit M. Duceppe sur Twitter. Plus question donc de rassembler les Québécois sous l'enseigne du Bloc, ce parti est brusquement et ouvertement redevenu l'instrument des seuls indépendantistes.

Ce changement de cap étonnant peut seulement s'expliquer par la crainte de voir certains souverainistes opter pour un autre parti, en particulier le Nouveau Parti démocratique de Jack Layton. D'où l'intervention du grand prêtre de la souveraineté, Jacques Parizeau.

Il suffit de comparer le discours prononcé par Gilles Duceppe le premier jour de la campagne électorale à celui qu'il a livré hier matin à Saint-Lambert pour voir combien le Bloc a changé le sens d'un vote en sa faveur. Le 26 mars dernier, le chef bloquiste n'avait pas dit un mot au sujet de la souveraineté. «Face au danger d'une majorité conservatrice, je lance un appel à tous ceux et celles qui ont à coeur l'avenir du Québec: joignez-vous à nous!» disait alors M. Duceppe. Hier, ces élections fédérales sont devenues une étape vers l'indépendance: «Le vrai sens de ces élections, ça peut se résumer en un seul mot: liberté. La liberté d'être nous-mêmes ou pas.»

Dans la perspective du Bloc, il y a désormais les bons Québécois, c'est-à-dire les souverainistes qui appuient le Bloc, et les autres, les vendus. Aux yeux de M. Duceppe, en effet, «pour les candidats fédéralistes des partis canadiens, tous les compromis, tous les accommodements sont acceptables. (...) C'est le prix à payer pour être un candidat néo-démocrate, libéral ou conservateur au Québec: il faut accepter de renoncer à être soi-même». Quelque 300 candidats conservateurs, libéraux, néo-démocrates et verts se voient du coup accusés d'avoir renoncé à être Québécois. Quel propos détestable!

Samedi, le député péquiste Bernard Drainville allait dans le même sens en écrivant sur les médias sociaux: «Qu'on soit de gauche, de droite, de centre, si on est Québécois d'abord il faut voter Bloc québécois » C'est ainsi qu'au moins six Québécois sur 10, qui ne votent pas Bloc, sont accusés de trahir les intérêts de leur peuple.

Ce changement de ton dans la campagne bloquiste/péquiste permettra peut-être à M. Duceppe de sauver les meubles. Cependant, elle risque aussi de confirmer la lassitude de bon nombre de Québécois à l'égard du Bloc et du débat, aussi ancien qu'éprouvant, sur l'avenir politique du Québec. Pensons que M. Parizeau a évoqué hier la «ligne Borden», une politique adoptée par le gouvernement fédéral en 1963, soi-disant nuisible au Québec. Cette politique a été abandonnée en 1973, soit il y a 38 ans...