Lorsque le verdict du jury est tombé mardi, la population a été scandalisée. L'auteur d'un horrible infanticide serait bientôt libéré bien que dans l'esprit de presque tout le monde, il s'agit d'un monstre. La mollesse du système judiciaire était une nouvelle fois exposée.

Lorsque le verdict du jury est tombé mardi, la population a été scandalisée. L'auteur d'un horrible infanticide serait bientôt libéré bien que dans l'esprit de presque tout le monde, il s'agit d'un monstre. La mollesse du système judiciaire était une nouvelle fois exposée.

Non, ce n'est pas de l'affaire Turcotte qu'il s'agit. Le jour même où 11 jurés déclaraient l'ex-médecin de Saint-Jérôme «non criminellement responsable» de la mort de ses deux enfants, un autre jury, celui-là dans un tribunal de la Floride, concluait qu'une mère célibataire de 25 ans, Casey Anthony, n'était pas coupable du meurtre de sa fille de deux ans. L'affaire Anthony a été aussi médiatisée aux États-Unis que l'affaire Turcotte chez nous. Les Américains se sont pris d'affection pour la petite Caylee tandis qu'ils ont vite détesté sa mère, une menteuse chronique qui a été vue s'amusant dans une discothèque alors que son enfant était portée disparue.

Devant l'explosion de colère provoquée par le verdict, des juristes américains, tout comme l'ont fait ici leurs homologues québécois, ont cherché à calmer la population en rappelant les fondements du droit criminel. Un professeur de droit de Harvard, Alan M. Dershowitz, a souligné que ce n'est pas le crime ou la victime qui est au coeur d'un procès criminel, mais l'accusé: «L'État, avec toute sa puissance, accuse un individu d'avoir commis un crime. La preuve présentée par l'État doit démontrer la culpabilité de cette personne hors de tout doute raisonnable.»

Le procès ne vise donc pas à résoudre un crime ou à venger la victime, mais à statuer sur le sort de l'accusé : le punir s'il est bel et bien coupable de ce qu'on lui reproche, le libérer si, malgré les prétentions des autorités, il existe un doute raisonnable sur sa culpabilité. Les règles du droit criminel visent à éviter que l'accusé soit victime de l'arbitraire et des préjugés de la population et du pouvoir. Les jurés dans l'affaire Anthony l'avaient parfaitement compris. L'un d'eux a raconté aux médias qu'elle et ses collègues auraient bien voulu déclarer la jeune mère coupable: «Nous avions mal au coeur au moment de rendre le verdict. Mais dans notre pays, il faut prouver que l'accusé a commis le crime. On ne peut pas seulement y aller selon nos impressions.»

On peut supposer que les membres du jury au procès de Guy Turcotte ont vécu un dilemme tout aussi déchirant. Dans les deux procès, il aurait été plus facile pour les jurés de se laisser porter par leurs émotions. Le fait qu'ils aient résisté à cette tentation et choisi plutôt de suivre les règles du droit témoigne de leur intégrité et de leur courage. Dans les deux affaires, le système de justice a parfaitement fonctionné.