Tombée hier matin, la nouvelle du décès de Jack Layton a provoqué la consternation et la tristesse au sein de la population canadienne, en particulier chez les Québécois. Ces derniers, qui s'étaient pris d'affection pour le chef du NPD au point de n'employer que son prénom et de le préférer à Gilles Duceppe, se retrouvent orphelins. M. Layton fauché par le cancer, leurs plus récents espoirs de voir la politique faite autrement s'évanouissent.

Il est assez paradoxal que M. Layton, politicien professionnel depuis trois décennies, soit parvenu à se distinguer d'une classe politique aujourd'hui méprisée. Cela n'a pas été facile. Au Québec, bien qu'on l'ait toujours trouvé sympathique, les électeurs ne le prenaient pas très au sérieux. Les journalistes non plus, qui se moquaient de son amour des projecteurs et de ses prétentions - longtemps considérées irréalistes - à prendre un jour le pouvoir. D'ailleurs, au début de la dernière campagne électorale, personne ne croyait que M. Layton allait faire mieux en 2011 qu'en 2008. Le commentateur qui aurait prédit même une vaguelette orange au Québec aurait été ridiculisé.

Qu'est-ce qui a changé pour que, le 2 mai 2011, l'électorat québécois élise 59 députés néo-démocrates? En plus d'apprécier sa personnalité attachante, les Québécois ont découvert en Jack Layton un homme courageux, faisant vigoureusement campagne malgré ses problèmes de santé. Autre paradoxe, tragique celui-là: M. Layton a été emporté par le cancer qui, quelques mois plus tôt, avait d'une certaine façon contribué à son succès électoral historique.

L'éternel sourire et l'optimisme inébranlable du chef du NPD ont fini par séduire l'électorat. C'est d'ailleurs sur cette vision idéaliste, le fil d'Ariane de sa carrière, qu'il termine la «lettre d'adieu» publiée hier: «Mes amis, l'amour est 100 fois meilleur que la haine. L'espoir est meilleur que la peur. L'optimisme est meilleur que le désespoir. Alors aimons, gardons espoir et restons optimistes. Et nous changerons le monde.» De nos jours, rares sont les politiciens qui parviennent à faire rêver les citoyens. Jack Layton était de ceux-là.

À la suite des résultats historiques du 2 mai, la tâche du chef du NPD s'annonçait délicate: comment faire en sorte que la greffe prenne entre les nombreux élus québécois et une formation politique jusqu'ici essentiellement canadienne-anglaise? Dans son testament politique, M. Layton souligne la nécessité de «reconsolider notre équipe». Lui jouissait de l'autorité morale pour faire accepter les arbitrages nécessaires. Les néo-démocrates pourront-ils trouver un successeur apte à relever ce défi?

On aura amplement l'occasion d'y revenir. Pour l'instant, nous exprimons nos sympathies aux proches de M. Layton de même qu'à sa grande famille politique.