La démission de Nathalie Normandeau a donné l'occasion au premier ministre Jean Charest de retirer des épaules de Sam Hamad le fardeau, visiblement trop lourd pour lui, du ministère des Transports. Après la fermeture du pont Mercier en juin et l'effondrement d'une structure de béton sur l'autoroute Ville-Marie fin juillet, M. Hamad était devenu la tête de Turc d'à peu près tout le monde. Mais de quoi, au juste, le rendait-on responsable?

On ne pouvait certainement pas blâmer M. Hamad pour les faiblesses constatées dans ces deux ouvrages, construits l'un dans les années 30 (il n'était pas né) et l'autre dans les années 70 (il habitait sa Syrie natale).

On ne peut pas non plus l'accuser d'avoir négligé l'entretien des infrastructures routières. D'abord parce qu'il était en poste depuis à peine un an lorsque les incidents en question se sont produits. Ensuite parce que le gouvernement Charest a lancé en 2007 un énorme plan de préservation de ces infrastructures de 16 milliards sur cinq ans. D'ailleurs, en même temps qu'on accuse le gouvernement de mal entretenir les ponts et viaducs, ne lui reproche-t-on pas d'avoir mis des chantiers partout?

Il y a deux reproches fondés parmi tous ceux qui ont été faits à Sam Hamad. Un: il a tergiversé au lieu de publier rapidement les rapports d'inspection relatifs au pont Mercier et à l'autoroute Ville-Marie. Expliquer ce manque de transparence par la supposée incapacité des journalistes de comprendre ces documents était non seulement méprisant, mais malhabile. Et là on rejoint le talon d'Achille de l'ancien ministre des Transports: ses piètres talents de communicateur.

Certes, Sam Hamad ne s'est pas caché et a multiplié les entrevues au sujet de Mercier et de Ville-Marie. Mais, en apparence peu sûr de lui, il donnait l'impression de ne pas contrôler son ministère. Or, la capacité de communiquer (d'expliquer, de rassurer, de convaincre) est un aspect fondamental du travail de ministre. Dans des portefeuilles moins visibles, M. Hamad a fait du bon travail. Mais il n'est pas à la hauteur dans les dossiers où la tension est forte, où les journalistes et la population exigent des réponses claires et des solutions rapides, qu'elles existent ou non.

Toutefois, on ne doit pas se laisser obnubiler par les talents de communicateur d'un politicien. L'ancien ministre de la Santé, Philippe Couillard, parlait avec une telle autorité qu'on osait rarement le contredire. Son successeur Yves Bolduc n'est pas aussi à l'aise devant les caméras. Cela fait-il de ce dernier un moins bon ministre? Ça reste à voir.

Les critiques ont finalement eu raison de Sam Hamad. Son successeur, Pierre Moreau, est excellent communicateur et maîtrise ses dossiers. Combien de temps résistera-t-il à la colère populaire contre les viaducs qui tombent et les cônes qui poussent? La tâche sera difficile. On a toujours besoin d'un bouc émissaire.

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