Le rapport Duchesneau a remis à l'ordre du jour la question des dépassements de coûts (les «extras») dans les travaux routiers. Le député péquiste Nicolas Girard a dénoncé la situation, soutenant que «des entreprises soumissionnent à bas prix en sachant à l'avance qu'elles auront accès aux extras facturés en surplus.»

Il ne fait pas de doute que la construction et l'entretien des infrastructures publiques coûtent souvent plus cher que ce qui a été annoncé. Cela est-il dû à de réels imprévus? À l'incompétence de certains? À la malhonnêteté des autres?

Avant de tirer des conclusions, il faut savoir que ces dépassements de coûts ne sont pas nouveaux. Ainsi, à l'époque de Robert Bourassa, le Vérificateur général avait signalé qu'au cours de l'année financière 1989-1990, 65% des contrats accordés par le ministère des Transports avaient présenté des dépassements de coûts. Dix ans plus tard, alors que le Parti québécois est au pouvoir, le ministre des Transports Guy Chevrette constate à son tour de nombreux dépassements. Une nouvelle procédure d'attribution des contrats est mise en place. Mais le problème n'est pas réglé. En 2002, les travaux de réfection de l'autoroute Décarie et du rond-point l'Acadie coûtent respectivement 180% et 75% plus cher que ce qui avait été convenu. Le ministre des Transports de l'époque, Serge Ménard, explique que la tâche s'est révélée plus complexe qu'attendu.

Rappelons enfin le gâchis du prolongement du métro à Laval. Le Vérificateur général a conclu que le MTQ avait manqué plusieurs occasions de remettre en question le projet et d'exiger des études supplémentaires.

Non seulement les dépassements de coûts ne sont pas nouveaux, le Québec est loin d'en avoir l'exclusivité. Une équipe de chercheurs danois a étudié 258 projets d'infrastructures de transport construites dans 20 pays au cours de 70 dernières années. Ils ont constaté que 86% des projets avaient coûté plus cher que prévu. Le dépassement moyen a été de 28%. Comment expliquer ce phénomène? Après avoir rencontré plusieurs personnes impliquées dans la gestion de grands projets, les chercheurs ont conclu que dans bien des cas, celles-ci «mentent avec les chiffres» de façon à augmenter les chances que leur projet obtienne le feu vert du gouvernement.

Que ce soit au Québec ou ailleurs, les mesures prises au fil des ans pour éviter les dépassements de coûts n'ont pas donné de résultats. C'est la preuve que le mal est difficile à juguler. Une enquête publique et un changement de gouvernement ne suffiront pas.

Il y a trois ans, le gouvernement libéral a adopté une politique-cadre sur la gouvernance des grands projets qui visait à «à estimer les coûts et les échéanciers de la façon la plus complète et réaliste possible». Les informations contenues dans le rapport Duchesneau et celles publiées par les médias montrent qu'il faut, de toute urgence, aller beaucoup plus loin.