Le désabusement des Québécois est tel que la première réaction de plusieurs aux accusations déposées mardi contre l'ancien ministre Tony Tomassi a été: «Ça a été bien trop long!» Oui, les enquêtes policières prennent du temps. Et pour cause: plus un dossier est délicat, plus les policiers et les procureurs veulent minimiser les risques que la cause échoue devant les tribunaux.        

Contrairement à ce que certains ont dit, l'affaire Tomassi ne confirme ni n'infirme la nécessité d'une enquête publique sur l'industrie de la construction. Le député Tomassi est mêlé à un scandale mais celui-ci n'a rien à voir avec les travaux publics. Il n'a rien à voir non plus, du moins directement, avec le financement des partis politiques.

Une enquête publique est nécessaire, comme nous l'avons écrit ici plusieurs fois, mais le dossier Tomassi est un cas à part. Hier, les partis d'opposition ont sommé le député de LaFontaine de «réfléchir à son avenir» (lire démissionner). Depuis son expulsion du conseil des ministres il y a un an et demi, M. Tomassi a été absent plus souvent qu'à son tour de l'Assemblée nationale. Au cours des prochains mois, il consacrera ses énergies à se défendre des accusations portées contre lui. Sera-t-il en mesure de représenter efficacement les électeurs de sa circonscription? La réponse coule de source; pour le bien de ses électeurs, M. Tomassi doit céder sa place.

Que devraient faire les parlementaires si l'ancien ministre décide de s'accrocher? Amir Khadir, de Québec Solidaire, compte demander à l'Assemblée nationale de destituer le député de LaFontaine. Les députés auraient tort de le suivre dans cette voie. L'Assemblée nationale a le devoir de défendre les droits fondamentaux des Québécois. Or, la présomption d'innocence fait partie de ces droits (article 33 de la Charte des droits et libertés de la personne). Si le Parlement cède à tentation du lynchage, qui s'en privera? Ce n'est pas parce que tout le monde croit M. Tomassi coupable qu'il l'est nécessairement.

La Loi sur l'Assemblée nationale prévoit que le siège d'un député est déclaré vacant si le député en question «est condamné à une peine d'emprisonnement pour un acte criminel punissable d'une peine d'emprisonnement de plus de deux ans». Si on avait voulu qu'un député seulement accusé d'un acte criminel perde son siège, on l'aurait écrit dans la loi.

Le comportement de Tony Tomassi est certes troublant mais l'affaire qui porte désormais son nom est également préoccupante pour une autre raison. Comment expliquer qu'en 2008, le premier ministre ait catapulté le député de LaFontaine au conseil des ministres? M. Charest n'avait-il pas décelé l'immense faiblesse du jugement de M. Tomassi? A-t-il pris le risque de promouvoir Tony, comme on l'a dit, simplement pour plaire au père, Donato, organisateur libéral du nord de Montréal? M. Charest doit s'expliquer à ce sujet.